Trois questions sur le procès du "comptable" d'Auschwitz
Agé de 93 ans, l'ancien nazi Oskar Gröning est jugé à partir de mardi en Allemagne, pour complicité aggravée dans la mort d'au moins 300 000 personnes entre mai et juillet 1944.
C'est peut-être le dernier procès d'un ancien nazi, soixante-dix ans après la libération des camps de concentration. Oskar Gröning, un veuf de 93 ans, est jugé à partir de mardi 21 avril à Lunebourg (Allemagne) et jusqu'au 29 juillet. Engagé dans les Waffen SS en 1941, il est surnommé le "comptable" d'Auschwitz (Pologne), où il a travaillé dans l'administration de 1942 à 1944.
Francetv info fait le point sur ce procès en trois questions.
Pourquoi est-il jugé maintenant ?
Revenu vivre en Allemagne après la guerre, l'ancien comptable ne s'est jamais caché. Avant d'être rattrapé par la justice, il a même longuement raconté dans la presse et à la télévision son passé à Auschwitz, expliquant vouloir "combattre le négationnisme". "J'étais un petit rouage. Si vous qualifiez ça de culpabilité, alors je suis coupable", expliquait-il au Spiegel en 2005.
Son procès illustre la sévérité accrue de la justice allemande à l'égard des anciens nazis, depuis la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, ancien gardien du camp de Sobibor (Pologne), à cinq ans de prison. Une condamnation basée sur sa seule fonction au sein de ce camp où sont morts plus de 27 000 juifs, sans preuve d'actes criminels précis.
Que lui reproche-t-on ?
Le nonagénaire est poursuivi pour "complicité de 300 000 meurtres aggravés". La justice l'accuse d'avoir contribué à la mort dans les chambres à gaz de 300 000 juifs hongrois déportés entre mai et juillet 1944 vers le camp d'Auschwitz, en Pologne occupée, devenu le symbole mondial de la Shoah.
Pour sa défense, Gröning jure n'avoir "jamais donné une gifle" à quiconque. Le parquet ne l'accuse d'ailleurs d'aucune violence directe, mais lui reproche d'avoir trié les devises des déportés qui devaient ensuite être réintroduites dans l'économie du Reich et d'avoir assisté au moins une fois à la "sélection" séparant, à l'entrée du camp, les déportés jugés aptes au travail de ceux qui étaient immédiatement tués.
En "gardant les bagages" du précédent convoi pour les soustraire aux yeux des nouveaux arrivants, le jeune sergent a évité un mouvement de panique et sciemment favorisé une mise à mort sans heurts, affirme le parquet.
Des faits qui font, selon l'accusation, d'Oskar Gröning un "rouage" de l'extermination. Une position partagée par certains rescapés. "Ce que j'espère entendre, c'est qu'avoir contribué à une machine de mort (...) est un crime. Ainsi, à l'avenir, plus personne ne pourra faire ce qu'il a fait en se prétendant innocent", confie Hedy Bohm, survivante d'Auschwitz venue de Toronto (Canada).
Que risque-t-il ?
Pour ces faits, Oskar Gröning encourt trois à quinze ans de prison. Certaines parties civiles ont cependant fait connaître leur préférence pour une peine plus adaptée à son âge, comme des "travaux d'intérêt général pour raconter son passé dans les écoles".
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