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Belgique : des Français modestes expulsés

La presse belge s’est fait l’écho de plusieurs cas d’expulsions de Belgique de citoyens français. Motif : dépourvues aux yeux des autorités belges de revenus suffisants, ces personnes constitueraient «une charge déraisonnable pour le système d’aide sociale du royaume».
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La Grand-Place, au cœur de Bruxelles (AFP - Only France - Only World - Tripelon-Jarry)

Selon les chiffres officiels, 133 Français ont été expulsés de Belgique faute de moyens suffisants de subsistance au cours des huit premiers mois de 2013. Sur la même période, «il a été mis fin au séjour de 1130 citoyens européens», a indiqué la secrétaire d'Etat belge chargée de l'Asile et de la Migration, Maggie De Block, interrogée sur ce sujet par un parlementaire belge.
 
Au cours de ces dernières années, les expulsions de ressortissants européens ont explosé. En 2010, à peine 343 citoyens de l'UE avaient dû quitter le royaume. En 2011, leur nombre est passé à 989 et a ensuite doublé en 2012, avec 1918 expulsions.

Maggie De Block a décidé d'appliquer à la lettre une directive européenne de 2004 sur la libre circulation des citoyens européens. Cette loi européenne autorise chaque Etat-membre à mettre un terme aux aides sociales d'un citoyen européen dès lors qu'il constitue «une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’Etat membre d’accueil». Elle l’autorise aussi à renvoyer une telle personne dans son pays d'origine, au-delà du droit accordé à tout citoyen européen de séjourner dans n'importe quel pays de l'UE pendant trois mois. «Les Etats membres ne peuvent pas fixer le montant des ressources qu’ils considèrent comme suffisantes, mais ils doivent tenir compte de la situation personnelle de la personne concernée», précise cependant le texte.

Familles aux revenus modestes
Plusieurs familles françaises, apparemment souvent modestes, sont victimes de cette politique, comme le rapporte la presse belge. C’est par exemple le cas (cité par La Nouvelle Gazette) des Delbarre-Chauvin, et de leurs quatre enfants, installés à La Louvière (ouest du pays). Le père, Franck Delbarre, a récemment perdu son emploi. Tandis que sa conjointe, Stéphanie Chauvin, travaille dans une maison de retraite en bénéficiant du Revenu d’intégration sociale. Conséquence : l’Office des étrangers considère que ces six personnes constituent «une charge déraisonnable» pour le pays.
 
Autre exemple cité par le site LaCapitale.be: celui de Caroline, installée à Bruxelles, «arrivée en Belgique (en 2010) en tant qu’étudiante». Le document d’expulsion précise «qu’elle bénéficie du revenu d’intégration depuis le 1/07/2013» et «constitue dès lors», elle aussi, «une charge déraisonnable». De plus, précise le document, «sa longue période d’inactivité démontre (…) qu’elle n’a aucune chance réelle d’être engagée»… Donc, exit.
 
Christine, 47 ans, réside dans le pays… depuis 30 ans. Elle a oublié de s’occuper de formalités administratives qui auraient pu lui épargner bien des tracas. Mais le fait qu’elle et son compagnon (belge) tirent leurs revenus du Centre public d’action sociale (CPAS) ne convient pas aux autorités. «Même s’ils venaient à se marier, il faut des revenus stables, et le CPAS n’est plus suffisant pour le regroupement familial», a expliqué l’Office des étrangers à rtl.be. De fait, les conditions de regroupement familial ont été durcies en septembre 2013 par le gouvernement belge.

«A l'heure où nous travaillons main dans la main à la construction de bassins de vie transfrontaliers, il est choquant que des expulsions continuent», s'est ému le député PS des Français du Benelux, Philip Cordery. Celui-ci a promis de saisir les ministres de l'Intérieur français et belge pour que cessent ces expulsions. Il a également souhaité une révision de la directive européenne de 2004 pour que «la liberté d'installation en Europe soit valable pour tous».

La secrétaire d'Etat belge chargée de l'Asile et de la Migration, Maggie De Block, discute avec le ministre français de l'Intérieur, Manuel Valls, à Bruxelles (5-12-2013). (AFP - Georges Gobet)

Maggie De Block, une ministre populaire
Déjà interrogée sur ce thème en juillet 2012 par la députée belge écologiste Zoé Génot, Mme De Block avait assuré que les «éléments humanitaires» sont pris en compte dans chaque cas. «Je connais une dame française, seule avec deux enfants, résidant en Belgique depuis plus de dix ans; elle a travaillé la majorité des années de sa présence chez nous. Elle vient de se voir forcée de rentrer en France, alors que les enfants étaient ancrés chez nous depuis toutes ces années. Je serais donc intéressée à connaître les motifs humanitaires pouvant être pris en compte», lui avait rétorqué l'élue écologiste. Elle n’avait pas obtenu de réponse.
 
Petite précision : libérale flamande, Maggie De Block est l’un des ministres les plus populaires du gouvernement d'Elio Di Rupo en raison de sa fermeté sur les questions d'asile et d'immigration. Apparemment habituée des déclarations à l’emporte-pièce, «elle est la femme politique la plus populaire au Nord du pays (c'est à dire la Flandre, NDLR) et vole la vedette à l’autre star flamande Bart De Wever», commente le site de la RTBF. Elle n’écarte d’ailleurs pas l’idée de devenir un jour la première femme chef de gouvernement outre-Quiévrain. De là à voir dans son attitude vis-à-vis du problème des expulsions un moyen populiste pour «booster» les sondages…

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