Cet article date de plus d'un an.

Mort de Silvio Berlusconi : "Il a révolutionné la manière de faire de la politique et de la communication pour le meilleur et pour le pire", analyse un spécialiste

"L'immortel" Silvio Berlusconi a clairement été la figure centrale de la politique italienne des 30 dernières années, a affirmé Marc Lazar ce lundi sur franceinfo, quelques heures après l'annonce du décès de l'ancien Premier ministre italien et magnat des médias.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Silvio Berlusconi, sous les applaudissements au théâtre Manzoni de Milan lors d'un meeting clôturant la campagne de son parti, en septembre 2022. (FILIPPO MONTEFORTE / AFP)

Silvio Berlusconi "a révolutionné la manière de faire de la politique et de la communication pour le meilleur et pour le pire", a estimé Marc Lazar, professeur émérite à Sciences Po, spécialiste de l'histoire de la sociologie politique de l'Italie. L'ancien Premier ministre italien et magnat des médias, est mort à l'âge de 86 ans. Il a profité de la décomposition des partis politiques traditionnels pour créer son propre mouvement Forza Italia. "Il est au cœur de tous les processus politiques en Italie depuis 30 ans", explique-t-il. Il a créé "une forme de populisme contemporain, médiatique", selon ce spécialiste.

franceinfo : A-t-il profité dans les années 90 de la décomposition des partis traditionnels ?

Marc Lazar : Absolument et il en joue beaucoup. Il se lance en politique avec un fameux document vidéo qui va tourner sur ses chaînes et qui révolutionne la communication politique. Il se présente comme un homme neuf, lui qui était déjà très connu en Italie parce qu'il était un entrepreneur immobilier, parce qu’il possédait le club du Milan AC, mais surtout parce qu'il possédait la moitié du paysage audiovisuel et qu'il savait très bien se vendre. Il a toujours eu une très grande capacité de marketing. Effectivement, il profite de la décomposition et l'accentue. Il propose un produit nouveau qui est son propre parti qu'il appelle, c’est très symbolique, Forza Italia. C'est comme si en France, un homme d'affaires se lançait en politique et appeler son parti 'Allez les Bleus !'.

Est-ce une figure centrale pendant ces trois décennies ?

La réponse est clairement oui. D’une part, parce qu'il a gagné trois fois les élections, qu'il a été trois fois au pouvoir. Donc il a été trois fois président du Conseil, la première fois pour quelques mois en 1994, puis une deuxième fois pour une législature complète et ensuite de 2008 à 2011, juste pour trois ans. Il a été débarqué dans des conditions rudes pour lui. C’est le début du déclin de Silvio Berlusconi. Il a obsédé l'Italie, soit parce qu’il y a des gens qui l'ont adulé, pas tous les Italiens loin de là, soit parce que des gens le détestaient, mais aussi parce qu'il est au cœur de tous les processus politiques en Italie depuis 30 ans.

Il est une forme de populisme qui va prospérer ailleurs ?

On riait jaune avec Berlusconi, en France comme ailleurs, en se disant 'mais qu'est-ce qui se passe dans ce pays ?' L'Italie est très souvent un laboratoire et un sismographe des transformations politiques que nous connaissons. Effectivement des entrepreneurs qui se lancent en politique en se présentant comme des hommes nouveaux, vous en connaissez un très célèbre aux États-Unis, Donald Trump. Il y en a d'autres dans l'Europe centrale, en République Tchèque, qui ont tenté les mêmes expériences. Rien ne nous dit que des expériences comparables ne se reproduiront pas dans d'autres pays. C'est une forme de populisme contemporain, médiatique. Certains ont cru pouvoir interpréter les succès de Berlusconi par son contrôle des médias et de la télévision. Je ne crois pas que ce soit la seule explication. Il a révolutionné la manière de faire de la politique et de la communication pour le meilleur et pour le pire.

A-t-il des héritiers en Italie ?

Il a inventé un parti qui ne dépend que de lui. Ce Forza Italia n'a plus jamais véritablement eu la capacité ou la volonté de s'insérer sur le territoire. Il n'a pas désigné véritablement d'héritier, même si le ministre des Affaires étrangères actuel, Antonio Tajani, est certainement celui qui va reprendre le flambeau. Il a créé ce nouveau prototype de parti politique que nous connaissons aussi bien en France. Emmanuel Macron n'a rien à voir avec Silvio Berlusconi, mais il avait, lui aussi, décidé de créer un parti qui est un parti personnel, qui ne dépend que de sa personne.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.