Bulgarie : l’autre rideau de fer pour empêcher l'arrivée de migrants
Alors que la Hongrie a fermé sa frontière avec la Serbie et annonce la construction d’un mur pour empêcher les migrants de passer, en Bulgarie les autorités sont passées à l’acte. Depuis l’été dernier un mur "anti-migrant" borde la frontière avec la Turquie, et Sofia est en train de le prolonger d’une centaine de kilomètres. Les autorités craignent d’être submergées par un afflux de réfugiés Syriens et Irakiens, dans ce pays le plus pauvre d’Europe. Depuis janvier, plus de 6.000 personnes sont entrées clandestinement en Bulgarie soit trois fois plus que l'an dernier.
Dans le petit village de Shtit, niché sur une colline, aux confins de la Bulgarie, en face de la Turquie, on raconte que l’église de couleur blanche sert de point de repère aux migrants qui tentent de traverser la frontière à pied : "Là-bas c’est la Bulgarie", leur disent les passeurs. Fernand habite juste à côté de l’église, il raconte qu’il trouve de plus en plus de Syriens et d’Irakiens ces dernières semaines, dans son champs : "Au début j’ai cru que c’était des gens du village, mais en fait ils n’étaient pas habillé comme des gens du village. Quand ils ont compris qu’ils étaient enfin en Bulgarie, ils ont fait un signe de croix. "
Un mur construit sur l’ancien rideau de fer
Dans cette zone, le mur de 30 kilomètres doit bientôt être prolongé. Un nouveau rempart barbelé de 3 mètres de haut construit sur les restes rouillés du rideau de fer soviétique, que l’on aperçoit au loin. Ginka Costadinova, qui tient l’épicerie du village voisin de Sladun se souvient de cette époque : "Avant, il y avait une barrière sur toute la frontière qu’on a détruite, et maintenant il faut la reconstruire, c’est absurde ! Moi je suis pour le mur, mais la Bulgarie est trop pauvre, elle ne peut pas se le permettre. "
A une heure de route de là, au check-point de Lesovo, un peu plus haut sur la frontière, le chef adjoint Nicolas Limitrov veut montrer comment chaque camion est scrupuleusement examiné avec un détecteur de gaz. Car c’est là dans les containers que se cachent désormais la plupart des migrants qui traversent la frontière bulgare. C’était d’ailleurs l’objectif de ce mur poursuit Nicolas Limitrov : "Le mur a été érigé pour pousser les migrants vers les check-point, pour pouvoir mieux surveiller la frontière. "
Quelque 3.000 euros pour passer
En plus du mur, les autorités ont installé des caméras infrarouges sur toute la frontière, et une centaine de policiers patrouillent jour et nuit. Rojbin, 25 ans, et Youssef, 30, ans ont réussi à entrer en Bulgarie, mais ils se sont fait cueillir au check-point Ils viennent de Qamishli, une ville située au nord de la Syrie près de la frontière turque, d’où ils ont fui les combats.
Youssef raconte qu’il a payé 3.000 euros pour passer : "Ils nous ont mis dans la soute à bagage des bus. Au check point, les Turques ne nous ont pas arrêté, mais en Bulgarie, ils nous ont attrapés ."
L’an dernier le mur a empêché 36.000 personnes de rentrer d’après les chiffres du gouvernement bulgare. Une situation inacceptable dénonce Roland François Weil, le représentant du Haut-Commissariat aux réfugiés en Bulgarie, pour qui "Sofia doit accueillir les personnes qui ont une crainte fondée de persécutions, c’est une obligation internationale." Et la situation ne devrait pas s’arranger, poursuit le représentant du HCR : "La Turquie accueille 1,7 millions de réfugiés. Pour certain ça va faire quatre ans qu’ils sont là et ils ne voient pas la situation s’améliorer. Et les réfugiés n’ont pas d’autre solution que d’aller vers l’Union Européenne. " Et si le prolongement du mur a pris du retard les autorités sont sur les dents, la Bulgarie sera bientôt à bout de ses capacités d’accueil.
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