Cet article date de plus de huit ans.
Bulgarie: un président «pro-européen», pas «anti-russe» mais anti-migrants
Roumen Radev, candidat de l’opposition socialiste, a été largement élu le 13 novembre 2016 président de la Bulgarie. Conséquence: le Premier ministre conservateur, Boïko Borissov, a démissionné. Le nouveau dirigeant, novice en politique, entend rapprocher son pays de la Russie, membre de l’UE et de l’OTAN. Et entend lutter avec fermeté contre l’immigration.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Ses adversaires lui ont donné le surnom de «général rouge», «sobriquet peu flatteur dans un pays marqué par des décennies de communisme», observe le JDD. L’homme, qui parle couramment anglais, allemand et russe, est un ancien pilote de chasse, lauréat de l’armée de l’air de son pays deux ans avant la chute du stalinisme en 1990. Mais il a aussi été formé au… Air War College de l’Alabama aux Etats-Unis.
Roumen Radev l’a emporté au second tour avec 59,35% des voix face à Tsetska Tsatcheva (36,17%), candidate du parti conservateur GERB («Citoyens pour un développement européen de la Bulgarie»). Laquelle a été critiquée pour son manque de charisme et est devenue la cible de la déception des électeurs à l’égard de la majorité de droite. Roumen Radev succède à Rossen Plevneliev, lui aussi issu du GERB.
Le rôle du président bulgare est essentiellement protocolaire. C’est le gouvernement qui définit la politique générale. Mais le chef de l’Etat peut influencer cette politique, «opposer son véto aux nouvelles lois et signer des traités internationaux», observe le site d’Al Jazeera. «Le président qui représente le pays dans les relations internationales doit être actif», a d’ailleurs dit l’ex-pilote après sa victoire.
«Etre pro-européen ne veut pas dire être anti-russe»
Un dirigeant «actif»? Sans étiquette mais soutenu par les socialistes (PSB, ex-communiste), Roumen Radev entend ainsi avoriser le dialogue avec la Russie. Après sa victoire, il a confirmé son intention de «travailler étroitement avec le gouvernement, et avec les collègues de l'UE, en vue d'une levée des sanctions» européennes contre Moscou. Sanctions imposées depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Pendant la campagne, il avait d’ailleurs estimé que «la Crimée est de fait russe».
A l’issue de l’élection aux Etats-Unis, il a félicité Donald Trump qui souhaite réchauffer ses relations avec Vladimir Poutine. Le président américain élu «a ouvertement dit qu’il était prêt à approfondir les relations avec la Russie. Cela laisse grandement espérer que l’on parvienne à une solution pacifique aux conflits en Syrie et en Ukraine, et que l’on assiste à une baisse de la tension», a ainsi observé Roumen Rade, cité par le New York Times.
Pour autant, l’ancien pilote n’en a pas moins défendu sa neutralité en expliquant qu’«être pro-européen ne veut pas dire être anti-russe». Il a souligné que l’«appartenance à l’UE et à l’OTAN n’a pas d’alternative».
Pendant la campagne, son adversaire avait estimé que la victoire de Roumen Radev entraînerait «un gel des fonds européens» et «un isolement international» du pays. Et dans un entretien paru le 13 novembre dans la presse autrichienne, le président sortant Rossen Plevneliev s'est dit inquiet des tentatives de la Russie de «déstabiliser l'Europe». Il a notamment accusé Moscou de financer des mouvements hostiles à l'Union européenne, y compris en Bulgarie.
Les électeurs n’ont pas tenu compte de la dramatisation des enjeux. D’autant que «de nombreux Bulgares ressentent toujours une affinité culturelle et historique avec la Russie», observe le New York Times. Les relations, notamment économiques, entre les deux pays sont donc très fortes. Le secteur énergétique bulgare est largement dépendant de la puissante présence russe. Et le tourisme venu du grand voisin est une ressource importante pour Sofia.
«Vote de protestation», notamment contre l’immigration
Dans le même temps, «les gens en ont assez d’écouter le GERB se vanter alors qu’ils ne voient pas d’amélioration de leur niveau de vie», souligne l’universitaire Antoniy Todorov, cité par l’AFP. En dépit des promesses et d’une croissance de 3% en 2015, la corruption et la pauvreté n’ont pas reculé dans ce qui reste l’un des plus pauvres pays du Vieux continent. En 1995, le PIB par habitant était ainsi de 6819€, contre 36.248 en France (source Banque mondiale).
Pendant toute la campagne, Roumen Radev a su jouer du mécontentement populaire face aux élites. Mais aussi des craintes vis-à-vis de l’immigration. En 2013, le pays avait dû faire face à l’arrivée «de plus de 10.000 réfugiés, principalement syriens, soit dix fois plus que la moyenne annuelle», rapporte France 24. «A l’époque, cet afflux soudain avait créé une crise humanitaire dans le pays». Et en 2014, Sofia avait entrepris la construction d’une clôture le long de sa frontière avec la Turquie. Dans ce contexte, le candidat de la gauche a adopté une position très ferme. En promettant d’éviter que le pays ne devienne «le ghetto migratoire» de l’Europe.
On a ainsi assisté, lors de la présidentielle, à un «vote de protestation» observe Parvan Simeonov, de l’institut de sondage Gallup International.
«L’espoir et le désir de changement l’ont emporté sur la peur», a déclaré un responsable socialiste. Reste à savoir quel sera désormais la nature dudit «changement». Car si le Premier ministre conservateur, Boïko Ramissov, a démissionné, il reste favori pour remporter les législatives. Et former, ensuite, un nouveau gouvernement… Au pouvoir depuis 2014, sa coalition avait mis fin à une période de troubles et de manifestations contre la corruption. Période au cours de laquelle la quatrième banque du pays avait fait faillite.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.