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Dépénalisation des drogues au Portugal: bilan d'une expérience unique en Europe
En 2001, le Portugal a été le premier à dépénaliser la consommation de drogue. Malgré quelques paradoxes dans la façon de voir les choses, un petit bilan, après 15 ans de recul, montre des résultats globalement positifs.
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Il n'a pas augmenté ! C'est toujours le principal argument opposé à la décriminalisation de l'usage de drogue (quelle qu'elle soit), le nombre de «drogués» va augmenter ! Eh bien non, le scénario catastrophe prédit n'a pas eu lieu, l'usage de drogue n'a pas pas augmenté. Mieux que ça, si la consommation de drogue a légèrement augmenté chez les adultes, elle a nettement régressé chez les jeunes (en effet, quel est l'intérêt pour un ado de consommer un produit autorisé et de n'enfreindre aucune loi ?).
Soigner plutôt que réprimer
Les opposants à cette démarche jouaient, à l'époque, les oiseaux de mauvais augure en annonçant des hordes de toxicomanes européens déferlant sur le Portugal. Ce tsunami n'a pas eu lieu non plus.
Votée en novembre 2000, et appliquée à partir de juillet 2001, la décriminalisation de la consommation de drogue présente plusieurs autres points plutôt positifs.
Ainsi, conséquence directe de la dépénalisation : pas d'arrestations, pas de procès, pas de détention, autant de points qui ont notablement allégé les budgets police, justice, pénitenciaire. Les sommes libérées ont été allouées aux soins et traitements des toxicomanes. Les consommateurs interpellés devant se présenter devant une commission de dissuasion.
C'est une approche de santé publique qui est privilégiée par rapport à la répression. Le toxicomane considéré comme un malade plutôt que comme un délinquant se verra offrir tout un panel de soins, visant à le faire décrocher. Avec ce changement de politique, les taux de MST et d’overdoses ont chuté de façon spectaculaire. Il en va de même sur les contamination au VIH. Selon The Economist, depuis la décriminalisation, les morts provoquées par les drogues ont chuté de 80%, de 80 morts en 2001 à 16 en 2012. En parallèle, et sur la même période, le nombre d’héroïnomanes a décru de moitié, en termes absolus.
L'un des principaux paradoxes de cette démarche est que, s'il n'est plus illégal de posséder, ni de consommer de la drogue, en revanche, il reste interdit d'en produire ou d'en vendre.
Cannabis social clubs
Il a bien été envisagé de reproduire le modèle espagnol des «Cannabis social clubs». La Catalogne en compte près de 400. Ce sont des associations à but non lucratif de production et de consommation de cannabis en cercle fermé régies de façon très strictes, comme des accès restreints uniquement aux membres, l'obligation d'avoir plus de 18 ans, de ne pouvoir y rentrer que parrainé par un membre du club, entre autres. La gauche portugaise a tenté de les introduire, mais malgré cet encadrement rigide qui se veut rassurant, le Portugal ne les a pas légalisés.
Pas de d'éradication pour autant
Ne nous leurrons pas, tout n'est pas totalement rose pour autant. Une étude menée en 2012 montre qu'après avoir énormément chuté, la consommation est quand même légèrement remontée. Elle note aussi que les jeunes se tournent vers de nouveaux types de substances, appelées nouveaux produits de synthèse. Mais dans l'ensemble, ce sont l'alcool, le tabac et les médicaments qui sont les plus consommés, c'est-à-dire les drogues légales. Parmi les drogues illégales, c'est le cannabis qui remporte la palme, 8,3% des Portugais disent l'avoir essayé. Chez les 25-32 ans, la consommation quotidienne de cannabis est de 16,2%, de l'ecstasy 2,5%, et des champignons hallucinogènes 1,2%. La cocaïne quant à elle est consommée à égalité par 1,7% des 25-34 ans et 1,8% des 35-44 ans.
Globalement, force est de constater, près de 15 ans après, que la décriminalisation de la consommation de drogue à été nettement plus positive que négative.
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