Elections fédérales allemandes : Mickey Mouse, feux tricolores, Jamaïque... On vous résume les possibles coalitions de l'ère post-Merkel
Si les sociaux-démocrates d'Olaf Scholz sont donnés gagnants dans les sondages pour les élections du 26 septembre, ils auront besoin d'un accord avec un ou deux autres partis pour gouverner. D'un gouvernement de gauche à un accord entre la droite et les écologistes, franceinfo passe en revue les futures probables coalitions.
Vert-jaune-rouge, noir-rouge-vert ou rouge-rouge-vert. Il ne s'agit pas d'un code secret, mais des couleurs des potentielles coalitions qui émergeront à l'issue des élections fédérales allemandes, prévues dimanche 26 septembre. Actuellement gouvernée par une "grande coalition" entre l'Union chrétienne-démocrate (CDU) d'Angela Merkel et le Parti social-démocrate (SPD), l'Allemagne pourrait bien changer de majorité. A quelques jours du scrutin, les études d'opinions donnent le SPD à la première place, emmené par l'actuel vice-chancelier et ministre des Finances, Olaf Scholz, crédité d'environ 25% des intentions de vote, suivi du conservateur Armin Laschet, à 20%, et de la cheffe de file des Verts ("Die Grünen") Annalena Baerbock, à 15%.
Suivent les libéraux du Parti libéral-démocrate (FDP) et le parti d'extrême droite, Alternative pour l'Allemagne (AfD) qui plafonnent de leur côté autour de 10%. Enfin, le parti La Gauche ("Die Linke") émarge, lui, à 6%. Des chiffres qui laissent présager un accord entre trois partis pour que le futur gouvernement obtienne une majorité au Bundestag, l'équivalent de l'Assemblée nationale allemande. En cause ? La fragmentation du jeu politique allemand, où aucun des deux principaux partis, le SPD et la CDU, ne sont donnés à plus de 30% des intentions de vote, une première depuis la Seconde Guerre mondiale.
Une chose est certaine, l'AfD ne participera pas au prochain gouvernement, les autres formations politiques ayant rejeté une possible collaboration. Une fois les résultats connus, les négociations post-élections pourraient prendre plusieurs semaines, voire des mois. Pour y voir plus clair, franceinfo fait le tour des coalitions possibles, avec l'aide d'Isabelle Borucki, professeure en sciences politique à l'Université de Siegen, en Allemagne.
La coalition "feux tricolores"
Cette alliance rouge-jaune-verte correspondrait à un accord de gouvernement entre le SPD, les libéraux du FDP et les Verts. Elle est considérée comme probable en cas d'arrivée en tête dans les urnes d'Olaf Scholz, et se traduirait par une majorité assez large au Bundestag. Mais les différences idéologiques entre les trois formations, notamment sur les questions d'imposition et de déficit, pourraient compliquer d'éventuelles négociations. Christian Lindner, le chef du FDP, s'est d'ailleurs montré rétif à l'idée d'une alliance avec les Verts et le SPD*, jugeant que ces partis "avaient plus en commun" avec Die Linke qu'avec les Libéraux.
L'avis d'Isabelle Borucki : "Les Libéraux vont jouer un rôle important, si les sondages sont confirmés dans les urnes, dans la formation du prochain gouvernement. Mais cela risque d'être compliqué, notamment pour les Verts, de s'accorder avec le FDP."
La coalition "Jamaïque"
Fruit d'une union entre les Verts, les Libéraux (en jaune) et les conservateurs de la CDU (en noir), cette coalition tire son nom des couleurs du drapeau de l'île caribéenne. Elle est la plus probable en cas de victoire d'Armin Laschet et verrait les Verts, classés au centre-gauche, travailler avec deux partis du centre-droit. Peu probable, ce type d'accord n'est cependant pas impossible : une coalition "Jamaïque", dirigée par la CDU, est à la tête dans le Land (région allemande) du Schleswig-Holstein, au nord du pays.
L'avis d'Isabelle Borucki : "Il est vrai que cette coalition est possible, arithmétiquement parlant. Mais j'ai du mal à croire que les Verts arrivent à accepter les concessions nécessaires pour qu'elle fonctionne. Des discussions entre les trois partis avaient échoué à la suite des élections législatives de 2017. Le FDP avait quitté les discussions parce qu'il n'acceptait pas les demandes des écologistes."
La coalition "R2G"
Vue de France, une alliance entre le SPD, Die Linke (lui aussi représenté par la couleur rouge) et les Verts pourrait sonner comme une évidence. Les sondages lui donnent d'ailleurs une faible majorité et ces trois partis de gauche sont au pouvoir dans le Land de Thuringe, le cœur forestier de l'Allemagne, depuis 2014 et dans la ville de Brême depuis 2019. Mais, comme le souligne la Deutsche Welle*, la volonté de Die Linke de sortir de l'Otan risque d'empêcher l'obtention d'un accord. Politico* rappelle qu'Armin Laschet a d'ailleurs attaqué ses rivaux sur le sujet à plusieurs reprises, affirmant qu'un vote pour Olaf Scholz était un vote pour l'extrême gauche.
L'avis d'Isabelle Borucki : "Idéologiquement, c'est la coalition la plus cohérente, comparée aux autres, et elle est mathématiquement possible. Mais il y a de nombreux débats autour de Die Linke, notamment au sujet de ses liens avec des groupes d'extrême gauche comme les antifas. Toutefois, ses deux leaders, Susanne Hennig-Wellsow et Janine Wissler, représentent une aile plus modérée du parti et pourraient arriver à conclure un accord."
La coalition "Mickey Mouse"
Aussi appelée coalition "Allemagne" pour ses couleurs noire, jaune et rouge, elle réunirait le SPD, la CDU et le FDP. Elle aurait l'avantage de réunir une large majorité centriste au Bundestag. Une deuxième option verrait les libéraux être remplacés par les écologistes dans un accord de gouvernement, appelé cette fois coalition "Kenya". Dans les deux cas, ce serait le retour d'un accord de gouvernement entre la gauche et la droite, une option rejetée par le SPD, après huit ans de "grande coalition".
L'avis d'Isabelle Borucki : "Les deux options sont mathématiquement possibles, mais après les débats télévisés, je ne pense pas que le SPD ou les Verts souhaitent collaborer avec la CDU. Anna Baerbock et Olaf Scholz ont clairement dit qu'ils souhaitaient construire une coalition progressive et gouverner sans les conservateurs."
Une nouvelle "grande coalition"
Cette option, qui réunirait le SPD et la CDU après huit ans au pouvoir, n'était, jusqu'il y a peu, pas envisageable. Mais les récents sondages montrent qu'elle obtiendrait une petite majorité au Parlement. Elle aurait l'avantage de la stabilité, chère à l'électorat allemand, mais elle est rejetée par le SPD, lassé d'être le partenaire "junior" de la CDU. Markus Söder, leader de la CSU, la branche bavaroise de la CDU, a d'ailleurs fermé la porte à la possibilité (en allemand) d'une collaboration avec les sociaux-démocrates s'ils arrivaient en tête du scrutin.
L'avis d'Isabelle Borucki : "Si cette coalition est envisageable, elle me semble très peu probable, tant les deux partis sont contre l'idée de travailler à nouveau ensemble. Mais il est très difficile de prédire le résultat des élections, notamment à cause du vote par correspondance, qui devrait être très important cette année."
* Ces liens mènent vers des sites ou articles en anglais.
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