Cet article date de plus de deux ans.

En Bosnie, les nationalistes serbes rĂȘvent de sĂ©cession : "Ici, nous sommes en Republika Srpska, Ă  100%"

Le 9 janvier 1992, les nationalistes serbes de Bosnie dĂ©claraient leur indĂ©pendance, participant au dĂ©clenchement des guerres en ex-Yougoslavie. Trente ans aprĂšs, les dirigeants de la Republika Srpska semblent dĂ©cidĂ©s Ă  se dĂ©tacher de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale de Bosnie-HerzĂ©govine.

Article rédigé par franceinfo - Louis Seiller
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des officiers de police des Serbes de Bosnie participent à un défilé militaire, célébrant l'anniversaire de la Republika Srpska, à Banja Luka (Bosnie-Herzégovine), le 9 janvier 2019. (STR / AFP)

Il y a trente ans, la petite ville montagnarde de Pale, 15 000 habitants, devenait mondialement connue en devenant la capitale des Serbes de Bosnie, durant les quatre annĂ©es du siĂšge de Sarajevo menĂ© par ces mĂȘmes Serbes, une dizaine de kilomĂštres Ă  l'ouest. Le 9 janvier 1992 est proclamĂ©e la RĂ©publique des Serbes de Bosnie, aboutissement d'un engrenage de dĂ©cisions politiques et du refus de voir naĂźtre la Bosnie-HerzĂ©govine indĂ©pendante.

La création de cette Republika Srpska précipite le déclenchement de la guerre de Bosnie, qui a pris fin avec les accords de Dayton, en 1995. Ces accords consacrent la division de la Bosnie-Herzégovine en deux entités, la Republika Srpska (serbe) et la fédération de Bosnie-et-Herzégovine (croato-bosniaque).

MalgrĂ© la guerre, qui a fait plus de 100 000 morts, Nikola, un retraitĂ© de 60 ans, est fier de cet anniversaire. "Ici, nous sommes en Republika Srpska, Ă  100%. Tous les gens ici sont des Serbes et l'ont toujours Ă©tĂ©." Cet anniversaire est fĂȘtĂ© en grandes pompes, dimanche 9 janvier, Ă  Banja Luka, la capitale de facto de la RĂ©publique serbe de Bosnie, avec un dĂ©filĂ© des forces policiĂšres. Une dĂ©monstration de force des Serbes considĂ©rĂ©e comme une provocation par les Bosniaques musulmans.

Ceux-ci sont inquiets, depuis que le dirigeant ultranationaliste serbe, Milorad Dodik, a fait adopter une série de lois visant à séparer la Republika Srpska de l'Etat fédéral de Bosnie-Herzégovine. Nikola approuve ces décisions. "Je pense que la sécession est le moyen le plus simple pour résoudre nos problÚmes, assure le retraité, mais ça ne se fera pas en faisant la guerre. Ceux qui l'invoquent le font simplement parce qu'ils ne veulent pas résoudre nos problÚmes."

La crainte d'un nouveau conflit

Les nationalistes serbes ont annoncé vouloir quitter, d'ici cinq mois, trois institutions centrales à Sarajevo, l'armée, la justice et le fisc. "Je ne pense pas que cette tentative de sécession va apporter quoi que ce soit de positif", estime Milena, éducatrice spécialisée de 38 ans. Elle craint un retour des violences intracommunautaires dans le pays, et ajoute qu'elle a "déjà vécu une guerre, et ne veux pas en connaßtre une autre."

Pour beaucoup de Bosniens, les tensions actuelles visent avant tout à faire oublier les scandales de corruption et les problÚmes économiques que connaßt le pays, particuliÚrement frappé par la pauvreté. "Les gens se demandent déjà chaque mois comment ils vont faire pour survivre avec cette situation économique", décrit Milena.

"Se faire constamment bombarder du mot guerre à la télé, c'est vraiment déprimant." 

Milena, bosnienne

Ă  franceinfo

Les autorités américaines ont pris mercredi 5 janvier des sanctions financiÚres à l'encontre de Milorad Dodik, soutenu par la Russie, et accusé de "menacer la stabilité" de la région avec son projet séparatiste. Mais pour Hamet, habitant de Gorazde, une ville majoritairement musulmane en Republika Srpska, ces sanctions sont insuffisantes "contre ceux qui veulent détruire la Bosnie-Herzégovine, notamment contre la Serbie et la Croatie. Tout cela ne peut pas continuer sans un risque réel de conflit."

À Sarajevo, certains commentateurs voient dĂ©jĂ  2022 comme une annĂ©e charniĂšre, sans illusion sur l'influence possible de l'Union europĂ©enne, encore plus divisĂ©e qu'il y a trente ans face aux nouvelles tensions en Bosnie-HerzĂ©govine.

En Bosnie-Herzégovine, l'inquiétude d'habitants face aux volontés sécessionnistes du gouvernement serbe - Reportage de Louis Seiller

Commentaires

Connectez-vous Ă  votre compte franceinfo pour participer Ă  la conversation.