Espagne. Ces coupes budgétaires qui minent les régions
Les Espagnols dénoncent les coupes féroces en matière d'éducation et de santé.
ESPAGNE - "Ce ne sont pas des réformes aimables, ni populaires", mais elles sont "indispensables", a affirmé le 3 août le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy. En août, Madrid a dressé un nouveau plan budgétaire qui vise à économiser 102 milliards d'euros d'ici à 2014.
Les régions sont les plus affectées par ces coupes budgétaires, qui touchent notamment les domaines de l'éducation et de la santé. "Nous exigeons des régions ce que l'Europe exige de nous", a justifié le ministre du Budget, Cristobal Montoro. Mais ces restrictions, jugées "incohérentes" par beaucoup d'Espagnols, font grincer des dents dans le pays. FTVi détaille quatre des mesures les plus impopulaires.
Les sans-papiers privés de soins gratuits
En avril, le gouvernement a décidé par décret (lien en espagnol) d'éliminer l'assistance gratuite du système de santé publique aux sans-papiers pour économiser "environ un milliard d'euros par an". L'objectif est aussi de lutter contre le "tourisme sanitaire", ces Européens non-résidents qui viennent en Espagne pour se faire soigner.
Mais la mesure a été très mal reçue par une grande partie des professionnels de la santé, qui ont immédiatement dénoncé "un abandon"' du patient. Plus de 1 600 médecins sont même allés plus loin en signant un manifeste, créé dans ce sens par Médecins du monde. Leur leitmotiv : "Ma loyauté envers les patients ne me permet pas de manquer à mon devoir éthique et professionnel et de commettre un abandon".
"Les fiches des patients vont disparaître des bases de données de la Sécu. On ne pourra plus les prendre en rendez-vous", explique à FTVi l'anesthésiste Rafael Contreras Fernandez. Ce médecin madrilène est toutefois d'accord avec le gouvernement sur un point : "La réglementation du tourisme sanitaire : il y en a marre des Britanniques et autres européens qui viennent uniquement en Espagne pour une greffe de cœur !" lance-t-il.
A partir du 1er septembre, les clandestins pourront payer une assurance pour accéder aux soins. Seules les urgences pour maladie ou accident, le suivi de grossesse, accouchement et post-partum et l'assistance sanitaire aux moins de 18 ans seront encore assurés gratuitement à la rentrée.
Les gamelles à la cantine taxées
L'idée provoque la colère des parents d'élèves et de l'opposition de gauche : certaines grandes régions d'Espagne comme Madrid, Valence et la Catalogne, veulent autoriser les élèves à apporter leur repas à l'école, mais en les faisant payer.
Pour ces régions, il s'agit d'offrir pour la première fois aux enfants la possibilité de venir avec leur panier-repas. Par ailleurs, elles affirment que cela permettrait aux parents d'économiser en ces temps de grave crise et de chômage record qui touche un actif sur quatre. En échange, les familles verseraient une participation, qui pourrait atteindre jusqu'à trois euros, afin de couvrir les frais d'entretien et de surveillance du réfectoire.
Mais pour les associations de parents, cette taxe est une "aberration" car elle "ne servirait [selon eux] qu'à faire tourner le micro-onde", rapporte El Pais (lien en espagnol). "Encore pire ! Aucune réglementation n'a été proposée dans ce sens. Combien y aura-t-il de moniteurs pour les surveiller ? Que se passera-t-il si les enfants échangent leur gamelle et font des allergies ? Les aliments, seront-ils en bon état pour midi ?", s'interroge Manuel de Barros, professeur à Alicante (communauté de Valence), contacté par FTVi.
La région de Madrid reconnaît que les bourses attribuées aux familles pour la cantine vont passer de 29 millions d'euros pour l'année 2011-2012, à 16 millions d'euros pour la prochaine année scolaire. Le gouvernement de Catalogne a annoncé fin 2011 qu'il réduisait de 3,7 millions d'euros sa contribution aux aides à la restauration scolaire. Cette région, où le repas quotidien est l'un des plus chers (jusqu'à 6,20 euros), a annoncé la première qu'elle ferait payer jusqu'à 3 euros l'accès au réfectoire.
Moins d'aides financières pour la rentrée
Les restrictions dans le domaine de l'éducation ne s'arrêtent pas là. Les bourses pour les fournitures scolaires ont subis 75% de coupes budgétaires, rapporte l'agence Europa press, citée par El diario Cordoba. Résultat : 1/3 des familles se retrouvent sans ressources pour affronter la rentrée, qui s'annonce encore plus rude à cause de la hausse de la TVA (elle passe de 4% à 21% sur les manuels).
Le système d'attribution, calculé en fonction des revenus, fait aussi sauter au plafond l'association de parents CEAPA. "Chaque membre du foyer doit gagner moins de 5 591 euros par an pour obtenir 125 euros. C'est dérisoire et cela ne toucherait que très peu de familles", dénonce Santiago Dosal Ariza, chargé de la communication au sein de CEAPA à FTVi. L'Institut national de statistiques espagnol (INE), note qu'en 2009, un habitant de la communauté autonome de Valence gagnait 9631 euros par an en moyenne et dépensait 238 euros en fourniture scolaire.
Un hiver sans chauffage dans les collèges ?
Mais les coupes budgétaires se font sentir depuis longtemps déjà dans certaines régions espagnoles très endettées, comme Valence (20,5 milliards d'euros de dette publique, soit 19,9% de son PIB). En février dernier, les lycéens de cette région défilaient dans la rue. Les protestations ont éclatés au lycée Luis Vives, à Valence, où les élèves ont été obligés d'apporter en classe leurs propres couvertures pour se rechauffer. La raison ? Faute de pouvoir payer la facture, l'établissement avait éteint les radiateurs, relatait à l'époque Le Figaro.
Six mois plus tard, Manuel de Barros, professeur au lycée Playa San Juan à Alicante, se souvient de ces journées agitées et craint que la situation se répète. "Le lycée Luis Vives n'a pas été le seul à souffrir du manque de liquidité. A l'heure actuelle, dans mon lycée, on ne reçoit plus les subventions de la région depuis au moins quatre mois. Allumeront-ils le chauffage cet hiver ? "Peut-être pas. Pour l'instant, on essaie de s'arranger avec les fournisseurs mais leur patience a des limites..."
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