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Etre capitale européenne de la culture, ça change quoi ?

Samedi, la ville belge de Mons devient capitale européenne de la culture 2015. Qu'est-ce que la cité wallonne peut espérer conserver de cet événement ?

Article rédigé par Jéromine Santo-Gammaire
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) est l'une des principales constructions ouvertes pour Marseille capitale européenne de la culture en 2013. (MOIRENC CAMILLE / AFP)

Prêt, feu, go ! Samedi 24 janvier a lieu la fête d'ouverture de Mons capitale de la culture, sur le thème de l'éblouissement. Les visiteurs apprendront à danser avec des robots fluos ou s'essaieront au mapping 3D (projection illusionniste, en français) en déambulant dans les rues. En 2015, c'est au tour de la ville belge de 93 000 habitants se lancer dans l'aventure des capitales européennes de la culture, tout comme Pilsen (République tchèque). En trente ans, une cinquantaine de villes européennes ont successivement endossé le titre.

Au départ simple festival pour des villes possédant déjà un fort rayonnement culturel, l'événement est progressivement devenu un levier de développement économique, social et culturel pour de plus petites villes. Et les festivités se sont enrichies. Que reste-t-il, quelques années plus tard, des investissements et du dynamisme d'une année centrée sur l'art ? 

Une nouvelle image de la ville

Pour Mons, l'objectif est clair : faire aussi bien que Lille. La ville nordiste a été capitale européenne de la culture en 2004 et a marqué les esprits. "On a été débordés, on s'attendait à 40 000 personnes et 700 000 sont venues assister à la cérémonie d'ouverture", se souvient Didier Fusillier, directeur de Lille 2004. "Lille n'était pas sur la carte des grandes villes avant ça, juge Philippe Kauffman, conseiller artistique pour Mons 2015. Aujourd'hui, c'est devenu 'the place to be'."

Comme Lille, d'autres métropoles ont misé sur l'événement pour faire évoluer l'image de la ville. Marseille en est l'exemple typique. "Nous avions un peu l'image d'une ville canaille, rappelle Jean-François Chougnet, ancien directeur général de Marseille-Provence 2013. Aujourd'hui, c'est plus nuancé. L'opération a eu un impact immédiat, elle nous a permis de mettre en avant nos atouts : nos bons hôpitaux, nos centres de recherche..." De même, la fréquentation touristique de la ville a connu un avant et un après, insiste-t-il.

Glasgow, capitale de la culture en 1990, est passée "d'une ville avec l'une des pires réputations du Royaume-Uni au milieu des années 1980 à [une ville] largement acceptée comme le principal pôle d'entreprises créatives d'Ecosse", note une étude de la commission de la Culture au Parlement européen. Résultat : une attractivité qui grimpe en flèche. "Glasgow est devenue la destination du Royaume-Uni connaissant la plus forte croissance dans le tourisme d'affaires", souligne encore l'étude.

Des infrastructures culturelles

Si l'ambition n'est pas toujours entièrement atteinte, les infrastructures, elles, demeurent. "Thessalonique [Grèce] en 1997 a pris beaucoup de retard dans la réalisation des infrastructures, mais peu importe, puisqu'elles fonctionnent toujours aujourd’hui", rapporte Sylvain Pasqua, coordinateur des Capitales européennes de la culture à la Commission européenne.

Depuis 2013, les habitants de Marseille et de ses villes périphériques bénéficient de trois nouveaux musées, d'un port rénové, d'un Conservatoire de musique, d'un territoire consacré à l'expérimentation des arts de la rue, d'une collection publique d'art contemporain grâce à l'ouverture du Fonds régional d'art contemporain en 2013... Et surtout du MuCEM, le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée. "Cela nous a permis de remettre à niveau une agglomération sur laquelle il y avait eu des efforts faits dans les années 1980, mais beaucoup moins depuis", témoigne Jean-François Chougnet, aujourd'hui président du musée.

Devenir capitale de la culture est aussi l'occasion de réaménager la ville. Tallinn (Estonie) a ainsi développé, pour 2011, plusieurs kilomètres d'infrastructures sur son front de mer, qui était auparavant laissé à l'abandon. L'événement a permis de "mettre en évidence le potentiel de la zone en rassemblant les gens à cet endroit pour la première fois", constate l'étude du Parlement européen. 

De son côté, Catherine Bugeon, déléguée en charge de la culture à Avignon, exprime les regrets de sa ville. "Il ne reste pas grand chose d'Avignon 2000. Le projet La Beauté était un succès dans l'événementiel, mais ça a pris le pas sur le reste. Aujourd'hui, il ne reste pas d'œuvres installées dans la ville, pas de réhabilitation, pas d'équipement."

Un dynamisme culturel local et européen

Le tout est de ne pas laisser retomber l'élan culturel. Deux ans après avoir été capitale de la culture, Lille lance Lille 3000, un programme permettant la coordination des acteurs pour de nouvelles expositions, des installations en extérieur, des spectacles organisés toute l'année. "On ne pouvait pas envisager l'idée de revenir à la culture d'avant", affirme Didier Fusillier.

Marseille, qui a connu un trou d'air en 2014, compte également profiter du dynamisme de 2013 pour rebondir. La Biennale organise en 2015 sa deuxième saison. "Il y a plus ou moins d'avancées selon les secteurs, explique Jean-François Chougnet. Dans l'art contemporain, des fédérations se sont créées, mais ça fonctionne moins bien pour la danse." 

Kosice, en Slovaquie, a de son côté obtenu depuis 2013 des financements pérennes de la part du gouvernement et une stratégie culturelle a été définie sur le long terme. D'autres villes, comme Sibiu en Roumanie, capitale de la culture en 2007, ont continué à développer dans les années suivantes l'organisation d'événements en partenariat avec des acteurs culturels européens.

Dans certaines villes comme Patras (Grèce) ou Istanbul (Turquie), en revanche, il ne reste rien de tout cela. "Si ça ne fonctionne pas, c'est souvent parce que les villes n'ont pas su intégrer le projet dans la stratégie socio-économique de la ville, explique Sylvain Pasqua. Il arrive aussi qu'elles n'aient pas su investir suffisamment, ni faire participer les ONG, les milieux économiques et culturels. Cela ne prend pas sur le terrain."

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