Faut-il aimer ou détester l’Europe ? Illustration en Croatie
Direction Buje, petite commune très tranquille. Des maisons, des champs et, surprise, au sommet d’une colline, on trouve un bâtiment ultra moderne. Il s’agit d’une usine où sont fabriqués des produits à base de truffes, des sauces, du fromage, de l’huile. Les machines sont flambant neuves. Il faut dire que l’entreprise a touché près de 700.000 euros d’aide de l'Europe et Adriano Zigante, le patron, est plutôt fier de son installation… "Sans l’Union européenne on n'aurait jamais pu construire une usine aussi moderne, aussi automatisée. On n'aurait jamais pu produire autant et ça nous permet évidemment d’être présents et compétitifs sur le marché européen. Maintenant on est à égalité avec les Italiens ou les Français. On est même meilleurs. Une usine aussi moderne que la nôtre dans le secteur de la truffe, y’en a pas beaucoup. C’est peut-être même la seule ! On est au top", se félicite-t-il.
Adriano exporte sa centaine de produits en Slovénie, en Autriche, en Belgique ou encore en Angleterre. Et il espère augmenter ses exportations de 10% cette année, notamment parce que depuis que la Croatie est entrée dans l’Union, plus de frais de douane. Et ça facilite les choses. "Entre ici et notre filiale de Koper en Slovénie il y a exactement un quart d’heure en voiture. Mais avant l’adhésion à l’Union européenne, on devait d’abord aller à 250 kilomètres d’ici, au poste frontière de Riyeka et en plus payer des frais, entre 100 et 300 euros à chaque fois. Du coup on exportait que de grosses quantités. Aujourd’hui on peut embarquer une seule palette ou un seul carton dans un véhicule. On organise même des transports de groupe avec les autres producteurs du coin et on exporte aussi facilement à Split, à Zagreb qu’en Angleterre", explique le chef d'entreprise.
Les petites entreprises profitent moins de l'Union
Les facilités ne sont pas les mêmes pour les petites entreprises. Prenez la famille Belci par exemple, ce sont des petits producteurs d’huile d’olive du coin. Depuis l’adhésion de la Croatie à l’Union Européenne, ils exportent en Allemagne et ils s’en réjouissent. En revanche, toucher une aide de l’Union, là faut pas rêver. La faute à une bureaucratie cauchemardesque.
C’est ce qu’explique Matteo Belci, le fils de la famille. "L’administration croate est… comment dire ça sans être grossier... disons qu’elle est un peu lente. En tout cas elle ne fait aucun effort pour nous aider. Récemment par exemple, il y a eu un appel d’offres pour un fonds européen, mais il a été ouvert pendant 15 jours. Comment veux-tu que je prépare un dossier d’appel d’offres en 15 jours ? Il me faut au moins un mois, un mois et demi. Et puis préparer un dossier comme celui-là ça coûte dans les 2.000 euros. Ils nous demandent un million de papiers et tout se passe à Zagreb en plus. On ne peut rien faire d’ici ! Je ne sais pas si on peut appeler ça de la corruption mais les politiques croates semblent très peu disposés à distribuer l’argent des fonds européens. En fait la Croatie est entrée dans l’Union Européenne mais la mentalité, elle, si je peux me permettre, c’est toujours celle des Balkans", constate Matteo Belci.
Et c’est vrai que la Croatie a jusqu’à maintenant utilisé très peu de ses fonds disponibles, autour de 36% seulement. Mais Matteo ne baisse pas les bras. Le pays n’a qu’un an dans l’Union. Les choses devraient évoluer, espère-t-il.
Les agriculteurs de l’Istrie n'y croient plus
Du côté des agriculteurs en revanche, c'est la désillusion. En tout cas Valerio, l’éleveur que nous avons rencontré à Savudrija, un petit village de la côte, lui n'y croit plus. Il se lève à 4h30 tous les matins pour s’occuper de ses 30 vaches. Avec ou sans l’aide de l’Europe, il n’a plus d’espoir. "Moi je vends un litre de lait deux kuna cinquante, environ 30 centimes d’euros. C’est très bon marché, sauf que pour produire ce litre de lait, ça me coûte plus cher. Donc je ne couvre pas mes frais. Il faut que j’achète le foin, la nourriture pour les vaches, sans parler des engrais et de l’essence. Tous les mois ça augmente. Avant, le diesel qu’on utilise pour le tracteur, c’était 2 kuna le litre, maintenant c’est 6 kuna ! En fait il faut travailler de plus en plus pour gagner de moins en moins. Avant je vivais normalement avec 20 vaches, aujourd’hui je ne survis pas avec 30 !" raconte-t-il.
Depuis sa vieille ferme, Valerio a une vue imprenable sur un golf. Il explique qu’avant c’était des pâturages, aujourd’hui c’est donc une immense pelouse impeccable où l'on croise des touristes de toute l’Union européenne, explique Valerio. Et "ce n’est pas pour mes vaches, conclut l’éleveur, que les touristes viennent jusqu’en Croatie "…
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