L'Europe doit entériner le 16 octobre le concept d'immigration choisie conceptualisée par la France
Le Pacte Européen pour l'immigration et l'asile, qui est encore la somme engagements communs et non une politique, est clair: attirer les plus qualifiés des immigrants, garder les plus utiles, et repousser les autres.
La lutte contre les clandestins -les sans-papiers- estimés à 8 millions dans les pays de l'UE, reste du ressort de chaque état.
"L'Union européenne n'a pas les moyens d'accueillir dignement tous les migrants qui espèrent y trouver une vie meilleure" affirme sans détour le Pacte peaufiné par les dirigeants européens.
Il précise que chaque pays reste maître chez lui tout en s'abstenant "d'affecter les intérêts des autres" et en coopérant pour lutter contre l'immigration clandestine.
L'accord n'a pas été facile à obtenir. Le projet initial a été édulcoré notamment sous la pression du gouvernement socialiste espagnol.
Paris a ainsi dû abandonner son projet de contrat d'intégration imposant au migrant l'obligation d'apprendre la langue nationale et les valeurs européennes. Si l'accord date de juillet, son officialisation a été gardée pour le premier sommet du semetre de la présidence française qui a fait une priorité.
Une Carte bleue pour les immigrants méritants
Dans ce contexte, l'UE a conçue une "Carte bleue" pour attirer les étrangers les plus qualifiés afin de répondre aux besoins de main-d'oeuvre qualifiée.
La République Tchèque émet toutefois une réserve, car ses ressortissants, comme ceux des autres pays de l'Est qui viennent d'adhérer à l'UE, n'ont toujours pas encore libre accès au marché du travail de tous leurs partenaires. Comme ces entraves doivent disparaîtrent en 2011, les Tchèques souhaitent que la Carte bleue n'entre en vigueur qu'après cette date.
Autre distorsion, celle de l'Allemagne. Le ministre de l'Intérieur, Wolfgang Schäuble, a modulé la portée de la carte bleue car Berlin souhaite garder le contrôle de son immigration choisie. "La Carte bleue ne règle pas l'accès aux marchés du travail
nationaux", a-t-il affirmé.
Le ministre français Brice Hortefeux a par ailleurs cherché à taire les critiques qui voient dans la future carte européenne un pillage des cerveaux des pays du Tiers-monde. " Le système n'est certainement pas le pillage des cerveaux", a-t-il assuré. Pour sa part, son homologue espagnol, Celestino Corbacho. Ce dernier a cité une disposition du projet par laquelle les Etats membres s'engagent à s'abstenir de recruter dans les pays en voie de développement où cel pourrait poser problème.
"Si nous constatons que dans un pays les médecins manquent, il ne semble pas raisonnable de solliciter ceux qui restent", a-t-il expliqué.
La Carte bleue s'adresse à des diplômés étrangers et leur permet de postuler à des emplois hautement qualifiés dans les Etats membres. Le niveau de rémunération de l'impétrant est fixé à 1,5 fois le niveau moyen des salaires dans l'Etat membre. Plusieurs pays ont demandé à réduire ce niveau à 1,2 fois.
La Carte bleue permettra à son titulaire et aux membres de sa famille d'entrer, de séjourner et d'accéder au marché du travail dans l'Etat membre demandeur pour un secteur concerné. Mais elle ne sera pas une autorisation permanente, ni un titre de travail valable pour l'ensemble de l'UE. Elle ne sera pas comme "la Green Card" américaine, a reconnu Brice Horetefeux.
les expulsions: mode d'emploi
En ce qui concerne les clandestins, les Européens sont libres de les expulser ou de les régulariser. Les régularisations devront se faire "au cas pas cas" et non par vagues comme l'ont fait récemment l'Italie et l'Espagne.
Les départs doivent être réalisés de préférence sur la base du volontariat, dans le respect du droit et de la dignité des personnes concernées. En cas de refus, "la directive retour", qui normalise les procédures d'expulsion, s'applique. "Décriée comme "la directive de la honte par les défenseurs des droits de l'Homme", elle a été approuvée à une large majorité des députés de droite et de gauche du parlement européen.
Une mesure a été au centre de la polèmique: si la justice a de solides élèments pour penser qu'un homme qui doit être expulsé risque de se cacher, elle peut le faire placer en rétention pour période maximale de 18 mois. L'expulsion ne pourra être effective que si le pays d'origine du migrant est établi et s'il a signé un accord de réadmission.
Chacun des états s'engage à reconnaître les décisions de retour prises par les autres pays et à ne pas adopetr des règles plus strictes que celles fixées par la directive.
Par contre, aucun accord n'a été trouvé pour punir ceux qui en Europe exploitent les clandestins.
En France, plus de 1.000 salariés sans-papiers ont été régularisés à travers plus de 40 grèves dans des entreprises d'Île-de-France, a indiqué fin septembre Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT.
Migrants désirés et non désirés: drames multiples
L'afflux des immigrants dans le sud de l'Europe ne se tarit pas. Le 7 octobre, plus de 800 clandestins ont débarqué en une seule journée sur les côtes sud de l'Italie (île de Lampedusa) où sur les côtes de la Sicile.
Cet afflux exceptionnel a été favorisé par une période de beau temps. Onze barques ont été secourues et deux autres repérées et escortées par les vedettes de la douane ou de la marine italienne. "99% des clandestins partent des côtes italiennes", ont indiqué les autorités italiennes.
Quelques jours plus gard, le 10 octobre, un nouveau groupe de 217 immigrés entassés sur une seule embarcation a été secouru par les gardes-côtes au large de Lampedusa. Cinq hommes ont dû recevoir des soins à leur arrivée.
Cette année Rome a comptabilisé 23.600 arrivées par la mer de janvier à septembre contre 14.2000 sur la même période de 2007.
Autre aspect inquiétant, la crise commence à toucher les immigrés travaillant avec des contrats dans plusieurs pays européens. Ainsi en Espagne, en raison de la poussée du chômage Madrid a réduit de 65% le nombre de postes offert à des immigrés recrutés dans leur pays d'origine; Ceux-ci sont concentrés dans le secteur de la construction, paralysé depuis le début de l'anée et celui de services.
Le nombre d'immigrés a explosé en Espagne à la faveur du miracle économique de la décennie écoulée, passant de 500.000 en 1996 à 5,22 millions, dont 2,2 d'extra-communautaires, majoritairement latino-américains et marocains.
Mauritanie: des migrants hantés par la mort
Parce qu'ils ont échoué dans leur projet d'émigrer en pirogue, de jeunes Africains vivotent, désemparés, dans la ville
mauritanienne de Nouadhibou, encore remués par le souvenir de leurs "amis morts en mer" et des histoires d'"êtres surnaturels" apparus à des rescapés.
"Je suis un peu aveuglé ici à Nouadhibou, je ne sais même plus quoi faire", confie Djibril, Ivoirien de 26 ans, à la sortie d'un cours informatique, à la mission catholique.
Lorsqu'il est arrivé il y a deux ans dans la ville portuaire, c'était pour gagner les îles espagnoles des Canaries par la mer. Mais il s'est "échappé" à la vue des gendarmes, avant même d'embarquer.
"Quand j'ai échoué dans mon voyage, j'ai fait plein de petits boulots", explique ce "bachelier 2004" dans un français parfait: "+boy+ chez des Maures qui m'ont donné beaucoup de coups au mental, laveur de marmites, gardien de bateau...".
Puis le jeune homme au regard effaré raconte longuement des traversées qu'il dit pourtant ne pas avoir vécues...
"Cette année, beaucoup d'amis sont morts en mer... Il y a des pirogues qui se perdent, elles restent deux semaines à tanguer sur l'eau et quand il n'y a plus rien à manger, il faut veiller à protéger ses mains, parce que les gens peuvent te les mordre tellement ils ont faim. Il y en a même qui mangent le bois".
"Et puis il y a des êtres surnaturels qui apparaissent dans les pirogues", ajoute Djibril. Ces génies prennent l'apparence d'une femme. Si tu lui dis ton vrai nom, la mer se change en terre et tu as envie de sauter!".
"Ce qu'il raconte, ce n'est pas du délire. Des gens de trois ou quatre pirogues l'ont raconté", assure plus tard Seyllou, Guinéen de 19 ans, calme et posé.
La télévision est toujours allumée dans la petite pièce qui sert de chambre à ce gardien d'une auberge où les touristes sont rares, payé "20.000 ouguiyas (66 euros, par mois), la nourriture en plus".
Le visage encore enfantin, il ne s'est embarqué qu'une fois, en 2006: la pirogue a dérivé, n'atteignant que les côtes marocaines...
Maintenant, Seyllou songe à retourner en Guinée, voir la tombe de sa "maman et de sa grande soeur décédées" depuis son départ.
Mais son esprit semble constamment osciller entre le souvenir de ce "petit Guinéen de 16 ans mort d'épuisement" après une traversée et l'idée qu'un autre "vit maintenant à Barcelone".
Dans sa chambrette viennent converser d'autres migrants, tel Karamoko, un grand Malien de 26 ans. Lui se souvient que les gens "priaient" sur la pirogue qui l'a amené jusqu'aux Canaries: un voyage réussi...
"Une seule personne sur 76 était morte: un Ghanéen qui n'avait pas de bons habits. On l'avait lancé dans la mer". Mais finalement refoulé, presque "découragé", Karamoko est revenu à Nouadhibou, travailler à "la pêche au poulpe".
Dans leurs discussions, les dangers sont bien soupesés: "les Marocains, quand ils arrêtent des migrants, les jettent à la frontière, dans le désert. Il faut marcher beaucoup et je n'aime pas tellement marcher...", dit Seyllou.
Mais "ce qui m'a découragé le plus, c'est quand j'ai appris la mort de cinq jeunes Camerounais que je connaissais bien, fin 2007, poursuit-il. On nous a dit que leur pirogue avait dérivé pendant 15 jours, qu'il n'y avait eu que sept rescapés sur 130 embarqués..."
Un jour de mars, Seyllou a pourtant vendu sa télé et donné "700 euros cash" à un passeur. La traversée a été annulée: "je suis rentré, j'ai repris ma télé, je n'avais même pas dit à mon patron que je partais...".
Bloqué, sans son passeport "vendu", il attend que le passeur veuille bien lui rendre son argent: "il veut que je lui rabatte quelqu'un ou bien que je reparte moi-même. Mais pour réussir, il faut avoir au moins 1.000 chances".
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