Brexit : "Le Royaume-Uni traverse une crise constitutionnelle" mais "pour l’instant l’économie se porte bien"
Sophie Loussouarn, spécialiste de l'histoire économique et politique du Royaume-Uni à l'université Sorbonne Nouvelle, est revenue, vendredi 23 décembre pour franceinfo, sur la situation au Royaume-Uni, six mois après le référendum pour le Brexit.
Les Britanniques ont choisi de sortir de l'Union européenne le 23 juin dernier lors d'un référendum. Sophie Loussouarn, maître de conférences à l’université Sorbonne Nouvelle et spécialiste de l’histoire économique et politique du Royaume-Uni, a commenté, vendredi 22 décembre sur franceinfo, les premiers effets du Brexit. Six mois après les résultats, Sophie Loussouarn a estimé que "le Royaume-Uni traverse une crise constitutionnelle, [mais qu']en revanche, pour l’instant l’économie se porte bien".
franceinfo : Quels sont les premiers effets du Brexit ?
Sophie Loussouarn : Les effets économiques se sont déjà fait sentir. La livre a chuté à son plus bas niveau contre le dollar en 30 ans. Les touristes britanniques subissent une chute de leur pouvoir d’achat à l’étranger. En revanche, les ventes au Royaume-Uni ont augmenté. La chute de la livre a été favorable au commerce britannique. Les emplois n’ont pas été touchés. Le chômage est à 4,5%, ce qui est son plus bas niveau. Le système politique en revanche a été ébranlé. David Cameron a annoncé sa démission. Theresa May est devenue Première ministre le 13 juillet. Les travaillistes ont organisé une nouvelle élection pour désigner leur chef. Jeremy Corbin a été réélu le 25 septembre par la base du parti. On constate au Royaume-Uni une vague de xénophobie, car les Britanniques ont voté pour le Brexit par crainte de l’immigration. Aujourd’hui, on ne sait pas ce que sera le Brexit.
Theresa May a promis d’ouvrir des négociations avec l’UE d’ici le mois de mars, est-ce que l’on s’oriente vers un Brexit dur ou un Brexit mou ?
Il semblerait que l’on s’oriente vers un Brexit dur, avec une sortie du Royaume-Uni du marché unique. Les Britanniques ne veulent plus de libre-circulation des personnes au Royaume-Uni. Pour l’économie britannique, cela aura des répercussions économiques très dures après le mois de mars, puisque Theresa May aura déclenché le fameux article 50 du traité de Lisbonne. D’ici là, je pense que le Royaume-Uni tentera de rester dans l’union douanière, ce qui aurait un effet tout à fait positif pour son économie. La City (le quartier d'affaires de Londres) craint de perdre ses droits de passeports. Ce sera évidemment un enjeu des négociations. Aujourd’hui, les Européens sont irrités de la position britannique. Cette dernière vise à défendre au mieux les intérêts de la Nation et à défendre surtout la sécurité nationale en cette période de grande menace terroriste.
Il existe aussi une incertitude institutionnelle, la Haute cour de justice voudrait que le gouvernement consulte le Parlement avant d’engager cette procédure de sortie. Theresa May a fait appel de sa décision. Est-ce que le gouvernement est en train de faire un passage en force ?
Cela fait partie des prérogatives du Premier ministre que de faire appliquer un référendum bien qu’il ne soit pas légalement liant. Normalement, le Parlement est souverain mais on ne peut pas envisager que l’on revienne sur une décision prise par le peuple britannique. La Cour suprême se prononcera en janvier 2017. Elle a déjà été réticente vis-à-vis des prérogatives du Premier ministre et elle a défendu les pouvoirs du Parlement. Je ne sais pas dans quels termes le Brexit se fera. On ne sait pas non plus quel sera l’avenir de l’Ecosse. 72% des échanges commerciaux de l’Ecosse se font avec le Royaume-Uni. Seuls 40% des Écossais souhaitent une indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni. Ce dernier traverse une crise constitutionnelle. En revanche, pour l’instant l’économie se porte bien.
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