Licences de pêche : les pêcheurs français "ne nous envoient pas les preuves" demandées, se justifie un ministre de Jersey
"Beaucoup de bateaux qui n'ont jamais mis les pieds à Jersey" demandent une licence aux autorités de l'île, a estimé Gregory Guida, député et ministre de Jersey, ce jeudi sur franceinfo.
Les pêcheurs français "ne nous envoient pas les preuves" demandées pour obtenir des licences de pêche, a expliqué jeudi 28 octobre sur franceinfo, Gregory Guida, député et ministre de Jersey, en charge de l'environnement, alors que Paris a annoncé mercredi des mesures de rétorsions contre les Britanniques qui refusent de les délivrer. Ces licences de pêche sont indispensables pour naviguer sur les eaux du Royaume-Uni, plus riches en poisson.
Gregory Guida accuse "beaucoup de bateaux qui n'ont jamais mis les pieds à Jersey" de demander une licence aux autorités de l'île, et reproche à la France de "foutre en l'air la vie" des pêcheurs de Jersey.
franceinfo : Comment réagissez-vous aux menaces françaises ?
Gregory Guida : C'est assez décevant parce que d'un côté, vous avez les adultes, qui sont en train de mettre en place l'un des traités internationaux les plus importants de ce siècle, 450 milliards d'euros d'échanges économiques, du nucléaire, de l'aviation, de la sécurité, de la défense, la paix en Irlande du Nord. Et puis, de l'autre côté, vous avez la cour de maternelle, "si tu me donnes pas toutes tes billes, je te tape !" C'est un peu décevant.
Certains pêcheurs français expliquent qu'ils n'ont pas forcément d'enregistreurs GPS, donc pas de données prouvant qu'ils pêchaient bien dans les eaux britanniques ces dernières années. Vous croyez en leur bonne foi ?
C'est l'essence du problème. En France, quand vous pêchez, vous devez fournir chaque jour une fiche de pêche, sur laquelle vous écrivez le lieu et la date. C'est une obligation légale en France, et même à l'international. Donc tous les bateaux ont une trace exacte de ce qu'ils ont fait. Et la France insiste pour que des bateaux, qui sont complètement incapables de nous fournir ces documents, obtiennent une licence. C'est extraordinaire ! C'est un peu comme dire "j'ai conduit à Londres. Je ne peux pas vous montrer mon permis de conduire ou ma carte grise. Mais j'ai conduit à Londres." Là, c'est pareil : "j'ai pêché à Jersey, de façon complètement illégale, non documentée et non déclarée. Mais il faut quand même que vous nous donniez une licence." Les pêcheurs français ne nous envoient pas les preuves. Beaucoup de bateaux qui nous demandent une licence n'ont jamais mis les pieds à Jersey.
Vous êtes prêts à donner davantage de licences si les pêcheurs français vous envoient ces documents ?
Absolument. Mais n'oubliez pas que c'est quelque chose qui est négocié entre l'Europe et le Royaume-Uni. Donc les documents partent des régions [Bretagne, Normandie, Hauts-de-France], vont à Paris, puis Bruxelles, puis Londres avant d'arriver à Jersey. C'est un pipeline qui est assez compliqué. En revanche, la règle est simple. Il faut avoir onze jours de pêche en 2017, ou 2018, ou 2019 [dans les eaux britanniques] pour avoir une licence. Ce n'est pas très compliqué.
La France dit que le Royaume-Uni n'a pas délivré la moitié des licences dues aux pêcheurs français. C'est faux ?
C'est assez extraordinaire parce que le Royaume-Uni a délivré 1 829 licences. Il en reste 35 pour lesquelles il n'y a pas de preuve. Et quand les preuves arriveront, ces 35 seront données. Donc de dire que 50% des licences manquent, ce n'est pas vrai. Notre problème, c'est la quantité d'efforts. On pêche trop, on prend trop de poisson, ce n'est pas durable. Donc le traité international du Brexit a établi une base. L'effort [la quantité de poisson pêché] en 2021 doit être le même qu'en 2019. Mais si vous doublez le nombre de bateaux qui peuvent pêcher, l'effort va doubler.
Un câble vous relie à la France, et fournit l'électricité aux habitants de Jersey. Paris menace de réduire votre alimentation. Quelles conséquences cela pourrait avoir ?
Elles ne seraient pas très importantes, parce que nous avons des générateurs. Nous sommes prêts. En revanche, c'est épouvantable de bloquer les frontières, et d'empêcher à nos pêcheurs de débarquer dans les ports français. Je les connais, ils vont faire faillite, parce qu'ils ne pourront plus vendre leur pêche. C'est grave, de la part de la France, de foutre en l'air la vie de gens comme ça, des pêcheurs qui connaissent leurs homologues français, avec qui ils parlent tous les jours. Foutre en l'air leur vie pour des velléités politiques irréalisables.
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