Lampedusa : le drame servira-t-il d'alerte à l'UE ?
La tragédie de Lampedusa n'est
pas seulement italienne. Elle est européenne. Ce jeudi, un bateau transportant
500 clandestins venus de la Corne de l'Afrique a fait naufrage au large de l'île
sicilienne. Au moins 130 personnes sont mortes. C'est le deuxième naufrage en une semaine dans cette zone. Lundi
dernier, 13 immigrés d'Erythrée se sont noyés en tentant de rejoindre la côte
italienne. Selon l'Office des migrations internationales, 25.000 réfugiés sont
morts en Méditerranée au cours des 20 dernières années en tentant de rallier
les côtes européennes. Le drame de ce jeudi servira-t-il d'électrochoc à l'Union
européenne pour prendre des mesures concrètes ?
Lampedusa, porte sur l'Europe
Alors que les sauveteurs
cherchaient encore les victimes de ce naufrage, la maire de Lampedusa a envoyé
un télégramme amer au Premier ministre Enrico Letta lui demandant de "venir
compter les morts " avec elle. L'île sicilienne de 20 kilomètres carrés
est devenue ces dernières années la première porte d'entrée pour les migrants
venant d'Afrique. Au premier semestre 2013, les autorités ont enregistré l'arrivée
de près de 4.000 migrants, soit trois fois plus que sur la même période l'année
précédente. En juillet, le pape François s'était rendu sur l'île pour sensibiliser l'opinion au sort des
migrants.
Pour les migrants, cette
île de seulement 4.500 habitants, qui vit de la pêche et du tourisme, n'offre
aucune perspective si ce n'est celle de poser le pied sur le sol italien, et
donc européen. Leur espoir est de pouvoir déposer une demande d'asile et
d'essayer pour certains de passer à travers les mailles du filet pour trouver
un travail au noir, ou, plus souvent, reprendre la route vers un autre pays
européen.
Une tragédie "sans fin"
L'histoire se répète donc
encore et encore. Les boat-people arrivent sur la côte sicilienne et certains font naufrage. La maire de Lampedusa, Guisi Nicolini accuse l'Europe
de "détourner le regard ", en rappelant qu'elle a envoyé l'année
dernière une lettre ouverte à l'Union européenne pour dénoncer "l'indifférence
face aux milliers de morts en Méditerranée ". Pas de réponse.
Après ce nouveau naufrage,
plusieurs ministres italiens en ont également appelé à l'UE. "C'est
un drame européen, pas seulement italien ", a déclaré le vice-Premier
ministre Angelo Alfano, qualifiant cette journée de "dramatique ".
Il a demandé à ce que l'Italie ait le droit d'étendre ses patrouilles "au-delà
des eaux territoriales ".
Jeudi, le président du Conseil Enrico Letta a proclamé un
deuil national. Le président italien Giorgio Napolitano a lui aussi demandé à la
communauté internationale et "en particulier l'Europe de stopper le trafic
criminel d'êtres humains en coopération avec les pays de provenance " et a
jugé "indispensable la surveillance des côtes d'où partent ces voyages du
désespoir et de la mort ".
La ministre des Affaires étrangères, Emma Bonino, a
jugé que la mort d'immigrants représentait une "tragédie sans fin ".
Le ministre
des Transports a quant à lui souligné l'urgence de lutter contre les
organisateurs de ce trafic d'êtres humains à bord d'embarcations le plus souvent
surchargées et dangereuses. "C'est une mission à laquelle il va falloir
que nous nous attelions, de même que la communauté internationale et l'Union européenne ",
dit-il.
Faiblesses européennes
Dès jeudi, la Commission
européenne a appelé les 28 Etats membres à "accroître leurs efforts ",
notamment avec de meilleures procédures d'identification et de secours aux
bateaux en danger. La commissaire européenne en charge des Affaires
intérieures, Cecilia Malmström, a souligné l'importance de la coopération avec
les pays d'origine ou de transit des réfugiés, en défendant "l'ouverture
de nouvelles voies pour l'immigration légale ". Elle a rappelé
l'accord établi récemment avec le Maroc, en espérant la conclusion d'accords
similaires avec d'autres pays de la région comme la Tunisie.
"L'Europe doit
accroître ses efforts pour prévenir ces tragédies et montrer de la solidarité à
la fois avec les migrants et avec les pays qui connaissent un afflux croissant
de réfugiés" (Commission européenne)
En Europe, la règle en
vigueur prévoit que c'est au premier pays dans lequel le migrant arrive de
gérer sa demande d'asile et son hébergement. La législation européenne ne
prévoit aucun mécanisme de répartition automatique de la gestion des demandes
d'asile, et les pays du Nord de l'UE ne sont pas prêts à modifier les choses
sur ce point. Les pays européens qui enregistrent le plus de demandes d'asiles
par an sont l'Allemagne (70.000) et la France (60.000). L'Italie en enregistre
environ 15.000.
Améliorer la détection
des petits bateaux
Un des outils pour prévenir
des drames comme celui de Lampedusa est le programme "Eurosur". Il
est destiné à améliorer la coordination entre les Etats membres pour mieux
surveiller les bateaux de migrants, lutter contre les réseaux criminels qui
organisent les passages, mais aussi porter secours aux réfugiés en détresse.
Le programme devrait être opérationnel à partir du 2
décembre prochain. Il reposera sur des échanges de données, d'informations et
de renseignements. Le coût d'Eurosur est évalué à 244 millions d'euros pour la
période 2014-2020. Le Parlement européen doit donner son aval à ce texte la semaine
prochaine. "Mais rien n'est prévu pour renforcer les patrouilles dans des
zones maritimes dangereuses ", affirme l'élue écologiste allemande Ska
Keller, qui espère une amélioration du texte. La Commission européenne a
demandé à l'UE et aux Etats membres de mettre en œuvre Eurosur "aussi vite
que possible ".
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