Cet article date de plus de quatorze ans.

Le cinéaste ne sortira pas de prison "avant vendredi" a indiqué mardi le porte-parole du ministère suisse de la justice

Le petit village alpin de Gstaad attend l'arrivée du cinéaste Roman Polanski dès sa libération sous caution. Cette dernière doit être versée "dans les prochains jours".La police cantonale de Berne n'a pas souhaité commenter une sortie prochaine du réalisateur de sa prison de Winterthour, à environ 25 kilomètres au nord-est de Zurich.
Article rédigé par France2.fr
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Le chalet cossu habillé de bois clair "Milky Way" ("Voie lactée"), à l'entrée de Gstaad, demeurait volets clos lundi. (AFP)

Le petit village alpin de Gstaad attend l'arrivée du cinéaste Roman Polanski dès sa libération sous caution. Cette dernière doit être versée "dans les prochains jours".

La police cantonale de Berne n'a pas souhaité commenter une sortie prochaine du réalisateur de sa prison de Winterthour, à environ 25 kilomètres au nord-est de Zurich.

Le ministère avait accepté la libération sous caution accordée mercredi par le Tribunal pénal fédéral helvétique au réalisateur franco-polonais, détenu depuis 2 mois contre une caution de 4,5 millions de francs suisses (3 millions d'euros). Roman Polanski pourra attendre son éventuelle extradition vers les Etats-Unis dans son chalet de Gstaad, muni d'un bracelet électronique et contre une caution. La justice américaine le réclame pour des "relations sexuelles illégales" avec une mineure de 13 ans en 1977.

Les travaux ont commencé ce week-end dans le chalet suisse de Roman Polanski, "Milky Way" (Voie Lactée), à Gstaad pour y installer le système de surveillance électronique prévu après sa libération, selon le journal dominical alémanique SonntagsZeitung.

Pour peu qu'il ne quitte pas sa propriété de 1.800 m2, le cinéaste franco-polonais pourra "recevoir dans sa maison toutes les personnes qu'il souhaite et les héberger comme il veut", a indiqué à l'hebdomadaire le porte-parole du ministère de la Justice, Folco Galli.

"La mise en liberté interviendra aussitôt que la caution aura été versée, que les documents d'identité auront été déposés et que la surveillance électronique aura été mise en place et testée", avait expliqué jeudi le ministère de la justice.

Pour le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone (sud de la Suisse), le risque de fuite du cinéaste est "élevé". Mais il a estimé que la caution et l'assignation à résidence de Roman Polanski, de surcroît sous surveillance électronique, était de nature à éviter qu'il n'échappe à la justice. Le tribunal estime en effet que le montant de la caution représente "une part substantielle de la fortune" du réalisateur et que "vu l'âge avancé de celui-ci, il n'était pas certain qu'il ait à nouveau la possibilité d'accumuler une telle somme, en cas de perte de caution".

Les avocats de Roman Polanski, arrêté le 26 septembre 2009 à son arrivée en Suisse sur mandat d'arrêt américain, avaient déposé le 29 septembre des demandes de mise en liberté en même temps que deux recours auprès du ministère de la Justice et du Tribunal de Bellinzone, dans le sud de la Suisse.

Le réalisateur est recherché par la justice américaine pour une procédure ouverte en 1978 pour des "relations sexuelles illégales" avec une mineure âgée de 13 ans.

Réactions à la décision du tribunal de Bellinzone
Bernard-Henri Lévy
(philosophe, écrivain) : "C'est la moindre des choses qu'il ait été sorti de cette geôle où il était sans aucune raison. Et encore, bracelet électronique, franchement quelle humiliation ! Comme s'il était un criminel dangereux, comme s'il représentait une menace pour la société !"

Luc Besson (cinéaste) : "Je suis ravi surtout que, pour l'instant, il puisse rejoindre sa famille et ses enfants. (...) Je pense que ça va faire du bien à tout le monde, vraiment, tout le monde est ravi pour lui, mais on ne peut pas non plus excuser des fautes parce qu'on a fait de grandes choses dans sa vie. On voit un président de la République, on voit un Premier ministre, on voit des gens qui sont face à la justice et qui doivent s'expliquer. La justice, c'est fait pour s'expliquer surtout. Refuser la justice, c'est pas possible, pas dans une démocratie".

Mathilde Seigner (comédienne et belle-soeur de Roman Polanski) : "J'ai pleuré d'émotion, de joie pour ma soeur (l'épouse de Roman Polanski , Emmanuelle Seigner). Surtout parce que ça devenait vraiment très dur à vivre. (...) Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est grâce au président (Nicolas Sarkozy) que Roman a été libéré. Mais il a été super. Et il l'a beaucoup soutenu. Le président a été très efficace".

Jack Lang: "La décision du tribunal fédéral helvétique au sujet de la libération sous caution de Roman Polanski paraît sage et heureuse", a déclaré l'ancien ministre de la Culture dans un communiqué.

Alain Finkielkraut: "Je ne connais pas Roman Polanski. J'admire l'artiste, sans avoir jamais rencontré l'homme", a déclaré le philosophe. "Mais les conditions de son arrestation, la vindicte dont il a fait l'objet, des deux côtés de l'Atlantique, m'ont attaché à lui, ce qui fait que je suis très heureux à la perspective de sa libération, heureux comme s'il s'agissait d'un ami", a ajouté l'écrivain philosophe.

Une arrestation planifiée
Roman Polanski, 76 ans, a été arrêté au soir du samedi 26 septembre à sa descente d'avion à Zurich, où il devait recevoir un prix pour l'ensemble de son oeuvre au Festival du film de la ville. Le parquet de Los Angeles avait planifié l'arrestation du cinéaste la semaine précédente après avoir eu vent de sa participation au Festival du film de Zurich, a révélé une porte-parole du procureur de la métropole californienne citée par l'édition de dimanche du "Los Angeles Times".

Le réalisateur-acteur a été "très choqué" par sa détention, mais il s'est dit "combatif", a déclaré le 28 septembre son avocat Me Temime, espérant un examen "très rapide" d'une demande de mise en liberté du cinéaste. "On lui a fait savoir le soutien dont il bénéficiait, qui est un soutien extraordinaire venant de toutes parts et de tous horizons, ça l'a beaucoup réconforté."

En 1978, Polanski, sur le point d'être renvoyé en prison, avait fui vers l'Europe
Le réalisateur du "Pianiste" a été arrêté dans le cadre d'une procédure ouverte outre-Atlantique il y a 30 ans pour une affaire de moeurs. En 1977, il avait été arrêté sur plainte des parents d'une adolescente de 13 ans. Après avoir plaidé coupable de "relations sexuelles illégales", il avait fui pour l'Europe.

"Depuis fin 2005, les autorités américaines recherchent activement Roman Polanski partout dans le monde", ajoute le communiqué des autorités suisses, qui précise que Washington reproche au cinéaste "des actes d'ordre sexuel avec des enfants, notamment un cas de 1977 avec une mineure de 13 ans à Los Angeles".

Roman Polanski, aujourd'hui âgé de 76 ans, avait passé à l'époque un mois et demi en prison aux Etats-Unis. Fin janvier 1978, au lendemain d'une réunion entre ses avocats et un juge lors de laquelle ce dernier avait laissé entendre qu'il allait le renvoyer derrière les barreaux, Roman Polanski avait pris un avion pour l'Europe où il vit depuis. Il n'a plus jamais remis les pieds aux Etats-Unis.

La jeune fille d'alors plaide aujourd'hui la clémence
Au départ, Roman Polanski avait fait l'objet de six chefs d'inculpation, et notamment de viol, pour avoir eu une relation sexuelle avec une jeune fille de 13 ans après lui avoir fait consommer du champagne et de la drogue.

Il a rejeté l'accusation de viol mais a plaidé coupable de relation sexuelle avec une mineure, ce qui est passible de 20 ans de prison outre-Atlantique. Le cinéaste a soutenu que la jeune fille n'en était pas à sa première expérience sexuelle et qu'elle était consentante.

La jeune fille, Samantha Geimer, aujourd'hui quadragénaire et mère de trois enfants, s'est prononcée pour la clémence en affirmant que l'exclusion de Polanski d'Hollywood pendant une aussi longue période constituait un châtiment suffisant et qu'il ne présentait plus de danger pour la société.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.