Les éleveurs gagaouzes veulent sauver leurs chevaux
Les Gagaouzes ont gardé de leurs ancêtres turcs l’amour des chevaux. C'est la raison pour laquelle ils regrettent le désintérêt des autorités centrales moldaves, pro-européennes, pour cette écurie héritée de l’Union soviétique. Ce territoire autonome, grand comme deux tiers du Luxembourg, au nord du delta du Danube sur la Mer Noire, est adossé à l’Ukraine et compte 160 .000 habitants, turcophones chrétiens orthodoxes pour qui le russe est néanmoins la langue de prédilection et la Russie un modèle.
«Le cheval est un élément important de notre culture nationale», affirme Constantin Keles, directeur du haras de Ceadâr-Lunga. «J'aime les chevaux depuis que je suis petit, mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père ont tous fait ce métier», indique l'éleveur quinquagénaire assurant pouvoir retracer jusqu'aux années 1780 l'arbre généalogique de chacun des 63 chevaux élevés actuellement à Ceadâr-Lunga, dont certains sont baptisés en toute simplicité: «Jean-Paul Belmondo», «le Président», ou encore «la Reine».
Tous sont issus des trotteurs d’Orlov, des pur-sang russes, réputés pour leur robustesse et leur rapidité. Depuis 1982, plus de 500 chevaux sont passés par ce haras dont la survie est de plus en plus menacée par la volonté des autorités moldaves de le privatiser .
«Les investisseurs privés n'ont qu'un seul intérêt: gagner de l'argent le plus vite possible. Ils pourraient décider de fermer l'élevage ou de le transformer en ferme d'autruches, comme cela s'est déjà passé ailleurs», explique M. Keles, en pensant à l'échec de nombreuses privatisations dans l'ancienne république soviétique, aujourd'hui le pays le plus pauvre d'Europe. «Les chevaux nous ont accompagnés tout au long de notre histoire», raconte-t-il ajoutant: «Quand nous faisions des maisons en torchis, quand nous labourions la terre ou quand les jeunes allaient demander leur fiancée en mariage, les chevaux étaient toujours là. Cette tradition doit être préservée».
«Le gouvernement moldave doit renoncer à privatiser le haras ou le transférer sous administration gagaouze», estime Nikolaï Dudoglu, maire de Comrat, capitale de la Gagaouzie, espérant qu'une solution sera trouvée.
Comme chaque année, le 6 mai, a lieu la course traditionnelle Herdelez, grande fête gagaouze dédiée aux chevaux. «Si le haras de Ceadâr est privatisé, il n’y aura plus de fête», regrette Vitalie Tchakusta, jeune cavalière qui s’entraîne plusieurs heures par jour depuis deux mois avec la jument Lépistok (petite feuille en russe), à quelques kilomètres de Comrat. Cette ville tient d'ailleurs son nom de «kömur at», qui signifie en turc «cheval noir comme le charbon» et qui doit son nom, selon M. Dudoglu, au vainqueur d'une course de chevaux au XVIIIe siècle.
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