Manifestations en Géorgie : quatre questions sur le projet de loi controversé sur "l'influence étrangère" examiné par le Parlement

Le texte, perçu comme liberticide par l'opposition, a été adopté en deuxième lecture par les parlementaires géorgiens. Il doit être examiné en troisième et dernière lecture d'ici à la mi-mai.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des manifestants tentent de bloquer l'entrée latérale du Parlement géorgien, à Tbilissi, en Géorgie, le 1er mai 2024. (GIORGI ARJEVANIDZE / AFP)

L'adoption du projet de loi sur "l'influence étrangère" en deuxième lecture par le Parlement, mercredi 1er mai, a suscité une nouvelle escalade dans le mouvement de contestation qui traverse la Géorgie. Des milliers de manifestants brandissant des drapeaux géorgiens sont descendus dans la rue pour se rassembler devant le Parlement et tenter de bloquer les entrées du bâtiment.

Pour les détracteurs de ce texte, le projet de loi défendu par le parti majoritaire Le Rêve géorgien de l'oligarque Bidzina Ivanichvili va affaiblir les activités des ONG et organisations médiatiques dans le pays. L'opposition dénonce également un projet liberticide, contraire au processus d'adhésion à l'Union européenne. 

1 Que contient ce projet de loi ? 

Le gouvernement géorgien, dirigé par le Premier ministre Irakli Kobakhidze, avait déjà tenté d'adopter un projet de loi similaire en mars 2023, mais avait reculé après des manifestations massives. Le gouvernement assure que cette fois, ce texte a été largement remanié. D'après l'exécutif, il est destiné à obliger les organisations non gouvernementales et les médias à faire preuve de davantage de "transparence" sur leurs financements.

Si cette loi est adoptée, elle exigera que les ONG ou organisations médiatiques recevant plus de 20% de leur financement de l'étranger s'enregistrent en tant qu'"organisations poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère", sous peine d'amende.

2 Pourquoi cette réforme fait-elle polémique ?

L'opposition et les manifestants dénoncent l'inspiration russe de cette loi. En 2012, les parlementaires de la Douma avaient en effet adopté une loi comparable qui avait instauré un statut "d'agent de l'étranger"

Ce texte est "un décalque de la loi Poutine", assure sur France 24 la présidente pro-européenne de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, en conflit avec le parti au pouvoir. Ce projet est également considéré comme liberticide par de nombreuses ONG. En cas d'adoption du projet de loi, Human Rights Watch craint que les ONG soient "l'objet d'un examen plus approfondi par les autorités et de sanctions, y compris de sanctions pénales". 

Fin 2023, l'UE a accordé à la Géorgie le statut de candidat officiel. Toutefois, le gouvernement géorgien doit mener une série de réformes pour obtenir le début des négociations d'adhésion. Ce projet de loi est perçu par Bruxelles comme incompatible avec ce processus. "Le peuple géorgien a choisi la voie européenne (...). Soyons clairs : le projet de loi (...) n'est pas conforme aux aspirations de la Géorgie à l'UE et à sa trajectoire d'adhésion, et éloignera la Géorgie de l'UE au lieu de la rapprocher", a réagi le président du Conseil européen, Charles Michel, sur le réseau social X. 

3 Comment l'opposition au texte se traduit-elle dans la rue ?

Depuis le 9 avril, plusieurs manifestations organisées à l'appel du principal parti d'opposition ont réuni des milliers de personnes à Tbilissi et dans les grandes villes. Certains de ces rassemblements ont été marqués par des incidents et des violences.

Ainsi, le 30 avril, les forces de l'ordre sont intervenues sans avertissement, utilisant du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc, frappant et arrêtant des dizaines de personnes. Levan Khabeichvili, le président du Mouvement national uni, principal parti d'opposition, a été violemment battu.

Ce dernier a publié sur le réseau social X une photo de son visage tuméfié. Le ministère géorgien de l'Intérieur a assuré de son côté que les policiers avaient usé de la force de façon "légitime" car la manifestation était "devenue violente", et indiqué que 63 personnes avaient été interpellées pour avoir "désobéi à la police" et commis des actes de vandalisme.

4 Quelles sont les prochaines étapes avant son adoption ? 

Malgré trois semaines de manifestations massives et des pressions européennes exercées sur le gouvernement, les députés géorgiens ont débattu en deuxième lecture du projet de loi, mardi 30 avril. Ils ont voté le texte à 83 pour et 23 contre. Le Rêve géorgien souhaite l'adopter définitivement d'ici mi-mai, au cours d'un examen en troisième lecture. 

La présidente du pays, Salomé Zourabichvili, a annoncé qu'elle utiliserait son veto pour bloquer cette législation au Parlement. Mais ce veto peut être surmonté à la majorité qualifiée, dont dispose le parti au pouvoir. Une fois adopté, le projet de loi devra être signé par la cheffe de l'Etat. 

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