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Cinq mois de guerre en Ukraine : les accords signés par la Russie "ne valent rien", selon un spécialiste

D'après le journaliste Gallagher Fenwick, il ne faut pas oublier "que cette guerre dure depuis 2014 et qu’il y a déjà eu des accords, notamment les accords de Minsk en 2015, [...] qui ont immédiatement été violés par les belligérants".

Article rédigé par franceinfo
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Des pompiers ukrainiens luttant contre l'incendie d'un bateau après des frappes russes sur le port d'Odessa, le 23 juillet 2022. (STR / ODESSA CITY COUNCIL TELEGRAM CHA / AFP)

Les accords signés par la Russie"ne valent rien", explique Gallagher Fenwick, journaliste et biographe du président ukrainien Volodymyr Zelensky lundi 25 juillet sur franceinfo, alors que la guerre en Ukraine entre dans son sixième mois. Moscou a organisé des frappes sur le port d'Odessa après avoir signé un accord sur la reprise des exportations des céréales bloquées.

franceinfo : On a l'impression de deux courbes qui sont en train de se croiser : une armée ukrainienne qui monte en puissance et, à l'inverse, une armée russe qui s'essouffle, notamment en termes de matériel. Est-ce juste ?

Gallagher Fenwick : C'est en tout cas ce que les Ukrainiens et leurs alliés occidentaux veulent croire. On parle beaucoup d’une contre-offensive à venir. On n’en connait évidemment pas les détails logistiques, stratégiques, militaires. Pas de date donnée, pas d'échéance brève ou moyenne. Ça devrait intervenir avant l'hiver, qui serait assurément très rude pour les Ukrainiens. Et on voit déjà bruisser un petit peu des rumeurs d'Ukrainiens à l’initiative, notamment dans la ville et la région de Kherson, dans le Sud, où les autorités locales ukrainiennes fidèles à Kiev annoncent qu'elles sont déjà en train de reprendre du terrain. C'est symboliquement fort puisque c'est la toute première ville à être tombée aux mains des Russes.

La Russie bluffe-t-elle quand elle dit que le Donbass est une étape et que son opération militaire va se poursuivre au-delà ?

L’armée ukrainienne affirme dans le Sud qu'elle est en train de reprendre l'avantage. Il y a une guerre informationnelle. C'est évidemment très difficile de vérifier tout cela sur le terrain. Chaque situation est cristalline, fragile. Parfois, on parle de quelques centaines de mètres gagnés qui sont, dans l'heure suivante, perdus. La question derrière tout cela, c'est celle de la soutenabilité de l'effort de guerre. En réalité, d'un côté il y a l'avantage de la masse - les Russes ont beaucoup plus d'équipements, d'hommes et de munitions que les Ukrainiens - mais du côté ukrainien, on a la qualité des éléments fournis par l'Occident, les canons César, les lance-roquettes américains Himars, mais d'autres équipements également. La question est de savoir qui va tenir le plus longtemps. Il y a un moral fort, même s'il est quand même affaibli par ces barrages d'artillerie incessants, du côté des Ukrainiens. Du côté russe, se pose la question de cet effort qui est très conséquent avec des pertes très, très lourdes, puisque le renseignement militaire britannique parle quand même de plusieurs dizaines de milliers de soldats russes morts ou blessés. Et puis il faut les fournir en équipements aussi : même si la machine de guerre russe est très puissante, comme tout, elle a une limite.

Quand l'armée russe frappe le port d'Odessa, au lendemain de la signature d'un accord pour autoriser les navires ukrainiens à exporter le blé bloqué par Moscou, son but est-il de montrer que c'est encore la Russie qui tient le manche ?

C'est l'illustration même du modus operandi poutinien : signer puis cibler. Cela veut dire maintenir la pression en organisant son imprévisibilité et surtout en distillant des théories, des communications contradictoires : d'abord on nie, ensuite on affirme que c'était du ciblage d'infrastructures militaires. C'est une technique typique de la Fédération de Russie de Vladimir Poutine et c'est probablement la raison pour laquelle beaucoup d’Ukrainiens disent et savent que cette sortie de guerre ne se fera que par les armes, puisque les accords ne valent rien, puisque moins de 24 heures après qu'ils sont signés, ils sont immédiatement violés. On en voit l’illustration à Odessa. Il faut se souvenir que cette guerre dure depuis 2014 et qu’il y a déjà eu des accords, notamment les accords de Minsk en 2015, qui devaient mener à des cessez-le-feu et qui, pareillement, ont immédiatement été violés par les belligérants.

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