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Comment le crash du MH17 peut influer sur la crise en Ukraine

Alors qu'une enquête doit déterminer la responsabilité du tir de missile qui a tué 298 passagers d'un Boeing, francetv info liste les possibles répercussions du drame sur le conflit dans l'est du pays. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Des débris de la carcasse de l'avion de Malaysia Airlines qui s'est écrasé en Ukraine, le 18 juillet 2014, dans la région de Donetsk (Ukraine). (ANDREY STENIN / RIA NOVOSTI / AFP)

Un avion de ligne, transportant 298 civils entre Amsterdam (Pays-Bas) et Kuala Lumpur (Malaisie), a été abattu au-dessus de l'est de l'Ukraine, jeudi 17 juillet. Par qui ? Une enquête doit le déterminer. En attendant, la Russie, qui soutient les séparatistes de l'est du pays, et les autorités de Kiev s'accusent mutuellement de ce qui serait, vraisemblablement, une erreur, une "bavure" dramatique de l'armée ukrainienne ou une méprise lourde de conséquences de la part des séparatistes. 

> Crash en Ukraine : retrouvez en direct les dernières informations sur le vol MH17

Alors que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) tient, vendredi, une réunion d'urgence à Vienne, en Autriche, francetv info revient sur les possibles conséquences du drame sur ce conflit qui déchire depuis plusieurs mois l'est de l'Ukraine. 

Un apaisement possible mais peu probable

Quelques heures après le drame, Washington puis Berlin ont appelé à un cessez-le-feu immédiat, invitant la Russie, les séparatistes pro-russes et l'Ukraine, à s'y plier "pour permettre un accès sûr et sans entraves au site du crash pour les enquêteurs internationaux, et afin de faciliter la récupération des restes des corps".

"A court terme, on peut imaginer une phase d'apaisement afin de permettre aux enquêteurs de travailler", explique Tatiana Kastoueva-Jean, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri), contactée par francetv info. Le crash pourrait "conduire la Russie à reconsidérer les conséquences de son intervention imprudente au Ukraine", considère le Washington Post.

Le quotidien américain cite les précédents connus : la destruction du vol de la Korean Air Lines, abattu en 1983 par un avion de chasse soviétique, et cinq ans plus tard, celle d'un avion de ligne iranien, atteint par un missile américain. A chaque fois, ces "erreurs dramatiques" commises en temps de guerre, ont permis d'amorcer une "désescalade". Mais pour l'instant, si les séparatistes ont bien accepté d'ouvrir un corridor d'accès à la zone, ils ont rejeté tous les appels au cessez-le-feu.

Une escalade (au moins) verbale 

Pour Tatiana Kastoueva-Jean, "il semblerait que ce drame soit plutôt un facteur d'escalade dans le conflit." "Depuis plusieurs semaines et l'élection de Petro Porochenko [à la tête de l'Ukraine], l'accalmie diplomatique donnait une fausse impression d'apaisement, en contradiction avec la réalité du terrain [marquée par les combats dans l'est du pays]," relève-t-elle. "D'une certaine façon, ce drame vient corriger ce décalage." En s'accusant mutuellement et en dénonçant de part et d'autre un "crime de guerre" ou un "acte terroriste", les acteurs du conflit entretiennent un climat d'escalade (au moins) verbale. 

Du côté des Occidentaux, cantonnés dans le rôle des arbitres impuissants, les mots sont forts vendredi matin. Qu'importe la partie responsable, “si c'est bien ce qui s'est passé, abattre un avion de ligne est un acte terroriste", affirme un sénateur américain cité par The Daily Beast. Si la Maison blanche se garde, à ce stade, d'utiliser ces termes, certains politiques outre-Atlantique accusent directement la Russie, assurant que "quel que soit l'auteur de ce tir, il devra payer. Si c'est un Etat, de façon directe comme indirecte, alors ce devra être considéré comme un acte terroriste."

Pour la diplomatie, une faible marge de manœuvre 

"La destruction du vol MH17 illustre l'échec militaire des séparatistes, l'échec national de l'Ukraine, la ruine de la stratégie russe et l'absence totale de la diplomatie occidentale", assènent Les Echos vendredi matin. Cette dernière est épinglée également par Foreign Policy (article pour abonnés)"Le président Obama ne peut pas prétendre que son approche douce a fonctionné. [Il] aura désormais du mal à se tenir à distance du conflit." 

Et d'imaginer la suite des évènements : "Si l'Ukraine est en cause, la marge de manœuvre [de Washington] est limitée : essentiellement, renouveler les efforts de négociations. S'il s'agit des Russes ou des rebelles pro-russes, nous verrons la pression augmenter en faveur d'une hausse des sanctions, [en même temps qu']un effort accru pour trouver une issue diplomatique". La chancelière allemande abonde : "Ces événements ont une nouvelle fois prouvé que ce qu'il faut, c'est une solution politique", a-t-elle déclaré vendredi matin, insistant sur le rôle de la Russie, "par-dessus tout (...) responsable de ce qui se passe en Ukraine en ce moment". 

Tatiana Kastoueva-Jean confirme que la stratégie du président russe a contribué à la création "de cette zone grise de sécurité, ce trou noir" qui recouvre l'est de l'Ukraine. "Cela fait un moment qu'il a pris ses distances vis-à-vis des séparatistes. Le 7 mai, il a appelé au report du référendum, à tel point que les leaders rebelles l'ont accusé de les laisser tomber, explique la spécialiste. Mais dans le même temps, nous avons des informations selon lesquelles des Russes, des mercenaires peut-être, ont continué à rejoindre l'Ukraine, que Moscou leur fourni du matériel, etc". 

Une confusion entretenue par la Russie qui rend la situation extrêmement flou, souligne-t-elle. "Les Etats-Unis venaient tout juste d'annoncer mercredi un nouveau train de sanction contre Moscou. C'est un triste hasard, mais l'accident vient conforter Washington dans cette décision. Nous allons vraisemblablement vers un durcissement des sanctions". 

A Kiev, on attend une réponse occidentale bien plus importante. Le crash est "un signal qui doit réveiller l'Occident", lance vendredi matin le Kiev Post (en anglais). A commencer par les Etats-Unis, invités à "sauver [l'Ukraine] d'une invasion russe", écrit le blogueur militaire et pro-Maïdan Dmitry Tymchuk (en anglais). Mais attention, "il n'est pas envisageable que l'Otan intervienne dans la région. Dans ce contexte, face à la Russie, ce serait le début d'une troisième guerre mondiale", prévient la chercheuse. "Un scénario dont personne ne veut". 

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