Témoignage "On nous forçait à apprendre et à chanter l’hymne de la Russie" : rencontre avec un résistant ukrainien qui a passé trois ans dans les geôles russes

Arrêté en septembre 2021, ce militant politique de la minorité tatare a été condamné et emprisonné par les Russes. Il témoigne de la répression qui "ne cesse d'augmenter".
Article rédigé par franceinfo
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Nariman Djelyal, journaliste et militant politique de la minorité Tatar a passé trois ans dans les prisons russes. (BORIS LOUMAGNE - FRANCEINFO - RADIOFRANCE)

Il est l’une des figures ukrainiennes de la résistance à l’occupation russe en Crimée et s'appelle Nariman Djelyal. Depuis 2014, Moscou occupe illégalement cette péninsule située dans le sud de l’Ukraine. Ce journaliste et militant politique de la minorité tatare y a mené le combat, ce qui lui a valu trois ans de prison en Russie. Alors qu'il a été libéré cet été lors d’un échange de prisonniers, franceinfo a pu le rencontrer à Kiev.

Il n’a pas été surpris ce matin du 4 septembre 2021, quand des policiers russes ont déboulé dans sa maison familiale en Crimée. "Je me doutais bien qu’ils finiraient par m’arrêter un jour", confie-t-il.
Sac sur la tête et yeux bandés, Nariman Djelyal est conduit dans les bureaux des services de renseignements russes. "L’interrogatoire a commencé. Toujours menotté, avec un sac sur la tête. Sans avocat, alors que j’avais demandé à en avoir un", poursuit-il.

Violences physiques et psychologiques

Pendant sa garde à vue, les Russes lui reprochent ses prises de position contre l’occupation russe de la Crimée, mais il est renvoyé devant le tribunal pour acte de sabotage sur un gazoduc et écope de 17 ans de prison. "J’ai dit à ma femme, qui était dans la salle du tribunal : 'Surtout, ne pleure pas, ne leur fais pas ce cadeau, on va s’en sortir, je finirai par rentrer à la maison'", relate Nariman.

En prison, il décide de poursuivre la lutte, nous dit-il. "J’écrivais beaucoup. C’était une façon de me protéger. Ce que tu as à l’intérieur, tu le couches sur le papier. Ça te libère l’esprit des mauvaises pensées", raconte-t-il. Pour lui, il s'agissait notamment de tenir le coup face aux violences physiques et psychologiques des gardiens russes. "On nous forçait à apprendre et à chanter l’hymne de la Russie". 

Après trois ans de prison, Nariman Djelyal est libéré en juin dernier à la faveur d’un échange de prisonniers entre la Russie et l’Ukraine. Aujourd’hui, le militant est réfugié à Kiev, mais il est impossible pour lui de rentrer en Crimée.

"Les Russes ont toujours réprimé toutes les libertés et toutes les idées contestataires en Crimée. Mais depuis le début de la guerre et jusqu’à maintenant, cette répression ne cesse d’augmenter."

Nariman Djelyal

à franceinfo

La Crimée est occupée depuis dix ans par la Russie, au point qu'ici en Ukraine, une partie de la population avait fini par accepter la situation. Jusqu’au déclenchement de la guerre il y a deux ans et demi et la naissance d’un fort sentiment patriotique dans le pays. "Beaucoup de gens sont désormais convaincus qu’il ne faut pas abandonner la Crimée", soutient Nariman Djelyal, qui refuse de laisser tomber les prisonniers politiques enfermés en Russie. D’après le militant, ils seraient plus de 200 actuellement dans les geôles russes.

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