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Crise en Ukraine : "On a vraiment peur que Poutine aille plus loin", témoignent des habitants du Donbass

Le président russe a reconnu lundi soir l'indépendance de terriroires séparatistes dans les régions de Donetsk et Lougansk, à l'extrême est de l'Ukraine. Les habitants y semblent résignés, même si certains craignent une invasion plus large de leur pays par Moscou.

Article rédigé par Valentin Dunate, Thibault Lefèvre - édité par Clémentine Vergnaud
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La ville d'Avdiivka, à 20 kilomètres au nord de Donetsk, dans le Donbass (Ukraine), le 21 février 2022. (THIBAULT LEFEVRE / RADIO FRANCE)

Entre espoir, résignation et inquiétude. Les Ukrainiens ont suivi avec attention l'allocution du président russe lundi 21 février concernant la crise russo-ukrainienne. Vladimir Poutine a annoncé qu'il reconnaissait l'indépendance des républiques séparatistes prorusses de Donetsk et Lougansk, tout en ordonnant aux forces armées d'assurer "les fonctions de maintien de la paix" sur ces deux territoires. Alors qu'une réunion d'urgence du conseil de sécurité de l'ONU a condamné les actions russes dans la nuit et qu'une réunion des dirigeants des 27 pays de l'Union européenne est prévue mardi à Bruxelles, les habitants des régions ukrainiennes concernées suivent avec attention l'évolution de la situation. 

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Ainsi, Alexander a regardé la prise de parole de Vladimir Poutine sur son téléphone portable. "Franchement, ça me fait un peu sourire", relativise cet homme de 55 ans qui vit à Kharkiv, aux portes du Donbass. Il prend les propos du chef du Kremlin avec beaucoup de recul. "Cette déclaration vient d’une personne dérangée mentalement." Ancien casque bleu, Alexander a évidemment un point de vue particulier sur la situation.

"Pour avoir vu les Russes faire la guerre dans les années 1990, ça n’était pas comme ça."

Alexander, habitant de Kharkiv de 55 ans

à franceinfo

Pour cet habitant de kharkiv, "ça ressemble plus à un jeu [entre américains et Russes]. Alexander n'est pas le seul à réagir de cette façon. Il n'y a pas de protestations ou de vives réactions dans la région de Kharkiv car les Ukrainiens sont en guerre depuis huit ans contre les séparatistes prorusses dans les régions de Donetsk et Lougansk. Ces deux territoires, désormais reconnus par les Russes, étaient donc déjà inaccessibles depuis l'Ukraine. 

Pour autant, certains se préparent quand même avec inquiétude à l'éventualité d'une invasion du pays. C'est le cas de Nicolas, 22 ans. "Cela fait plusieurs années que ça dure et Poutine ne fait que se diriger vers sa cible. Il ne lâchera pas l'affaire tant qu'il n'aura pas fait de Kharkiv et de Kiev des villes russes", affirme-t-il, disant craindre le pire. "Pour moi, il y a deux options désormais : la mienne et celle de ma famille", affirme l'étudiant. "La mienne est d’aller à l’ouest du pays et de m’engager pour défendre mon pays. Celle de ma famille est d’émigrer en Europe, dans un lieu sécurisé."  

Avec la potentialité d'une invasion de l'Ukraine, le spectre du retour des heures les plus sombres de la guerre est donc dans toutes les têtes. "J'ai peur pour mes parents mais on ne sait pas encore ce qui va se passer", témoigne ainsi Alina, qui vit à Slaviansk, à une centaine de kilomètres des zones de combat du Donbass. En 2014, quand la guerre entre l'armée ukrainienne et les séparatistes prorusses a démarré, elle était adolescente et vivait dans un immeuble de la petite ville d'Avdiivka, sur la ligne de front. Ses parents y sont restés.

"Je crains que la situation revienne comme en 2014, quand les bombardements ont touché presque tous les immeubles. La seule chose que l'on veut, c'est que ça se termine."

Alina, habitante de Slaviansk (Ukraine)

à franceinfo

Valentina, elle, a l'âge des parents d'Alina. Elle était à Slaviansk en avril 2014, quand le drapeau russe flottait sur les bâtiments officiels après l'offensive des séparatistes. La ville a été reprise trois mois plus tard par l'armée ukrainienne. "Ici c'est l'Ukraine et nous voulons que ça reste comme ça", plaide cette responsable d'un restaurant au cœur de la ville, dans lequel on parle russe et on écoute les derniers tubes produits à Moscou. Elle pense que l'armée ukrainienne est aujourd'hui mieux organisée et armée pour faire face à la Russie. "Nous espérons que tout rentre dans l'ordre." Et balaie dans le même temps l'hypothèse d'une reprise franche de la guerre dans la région. "Je ne pense pas [que la guerre peut reprendre]. Je suis certaine que l'Ukraine ne va pas nous abandonner."

"Vivre et espérer" malgré les tensions

Si la situation est tendue dans l'extrême est de l'Ukraine, le reste du pays - plus grand que la France - n'est pour l'instant pas directement concerné par la menace russe. La vie quotidienne des Ukrainiens n'est pas chamboulée par la reconnaissance des territoires de Donetsk et Lougansk, sauf pour ceux qui ont grandi et ont de la famille dans ces régions. "C'est très douloureux quand tu aimes ta ville comme moi", confie Anastia.

Cette femme de 24 ans a quitté Donetsk il y a huit ans, au début du conflit. "On vient de perdre deux territoires où je vivais. Pendant toutes ces années, on espérait que le conflit pourrait se résoudre pacifiquement et que l'Ukraine pourrait garder son intégralité. Là, on a vraiment peur que Poutine aille plus loin. On ne sait pas comment la situation va évoluer, mais on n'a pas le choix. On continue de vivre et d'espérer." On pourrait même traduire ces derniers mots par l'espérance, plus que l'espoir : c'est dire à quoi tient désormais l'avenir des Ukrainiens, qui continuent pour l’instant de vivre comme si de rien n’était avec, dans un coin de leur tête, l’idée que le pire peut toujours arriver.

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