Guerre en Ukraine : derrière le tabou de l'envoi des troupes, la très secrète présence occidentale aux côtés de Kiev

Article rédigé par Raphaël Godet
France Télévisions
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Les présidents français et ukrainien, Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky, le 16 février 2024, dans la cour de l'Elysée. (DANIEL PIER / NURPHOTO / AFP)
La déclaration d'Emmanuel Macron sur l'éventuel envoi de soldats en Ukraine a suscité une levée de bouclier des alliés occidentaux. Pourtant, des forces étrangères sont déjà déployées depuis plusieurs années, plus ou moins officiellement, sur le territoire ukrainien.

Devant les députés de la Commission de la défense nationale et des forces armées, mardi 27 février, Sébastien Lecornu "précise" les choses : la France n'a absolument pas l'intention d'envoyer des soldats en Ukraine "pour faire la guerre à la Russie". Si le ministre des Armées tient à mettre les choses au clair, c'est parce qu'une déclaration d'Emmanuel Macron a semé le trouble la veille. A l'occasion d'une conférence de soutien à Kiev qui s'est déroulée à Paris, le président de la République a pour la première fois évoqué la possibilité d'envoyer des troupes au sol. Même s'"il n'y a pas de consensus aujourd'hui, (...) rien ne doit être exclu", a-t-il lâché.

De Londres à Berlin, l'ensemble des alliés européens de Kiev ont aussitôt opposé une fin de non-recevoir. Il n'empêche, la sortie du chef de l'Etat a remis sur la table la très sensible question de la présence des forces alliées aux côtés de Kiev. Officiellement, la France forme des militaires ukrainiens, envoie du matériel, mais elle n'agit pas directement sur le terrain.

"Tout est évidemment confidentiel"

"La France ne dispose pas d'unité constituée de soldats qui participent directement aux combats ou aux manœuvres en Ukraine, assure le général Jérôme Pellistrandi à franceinfo. En revanche, en livrant des armes à l'Ukraine, il faut imaginer que du personnel français est sur place pour aider à l'utilisation de ces équipements, pour aider à l'entretien, pour donner des informations aussi." Mais "le ministère des Armées ne peut pas le dire", explique-t-il. Tout comme il ne peut rien dire sur les agents de la DGSE qui sont présents en Ukraine. La nature de leurs actions étant de fait clandestine, tout est évidemment confidentiel." 

"Il est évident que les Britanniques envoient des agents du MI6, que les Américains envoient des agents de la CIA, et que la France envoie des agents de la DGSE en Ukraine."

le général Jérôme Pellistrandi

à franceinfo

Sollicitée par Le Monde, une source diplomatique ukrainienne est tout aussi clair. "Tous les Etats alliés sont présents en Ukraine, assure-t-il. Il ne s'agit pas d'unités de combat, mais il y a par exemple des représentants de tous les services de renseignement."

D'ailleurs, la France n'a "pas découvert" l'Ukraine en février 2022. "Les deux pays avaient déjà des relations dans de nombreux domaines, précise le général Pellistrandi. Donc des agents de la DGSE avaient déjà l'habitude de faire des allers-retours avant l'invasion russe." De fait, la France, comme ses alliés occidentaux, suit de près la situation dans ce pays depuis l'annexion de la Crimée en 2014 et la guerre dans le Donbass entre Ukrainiens et séparatistes prorusses.

Révélations sur les bases secrètes de la CIA

Fin février, un article du New York Times a justement fait beaucoup de bruit. Son titre : "Comment la CIA aide secrètement l'Ukraine à combattre Poutine". Le quotidien américain révèle que I'agence de renseignement dispose de douze bases le long de la frontière entre la Russie et l'Ukraine. Et ce, depuis 2014. Ces installations ont permis d'anticiper l'invasion russe en février 2022. Ce "partenariat secret en matière de renseignement est désormais essentiel pour les deux pays dans leur lutte contre la Russie", écrit le journal, qui a pu visiter l'une des bases.

Quelques jours plus tard, vendredi 1er mars, c'est au tour de l'Allemagne d'être embarrassée. Une conversation entre des officiers allemands de haut rang, qui aurait dû rester confidentielle, s'est retrouvée diffusée sur les réseaux sociaux russes. Dans l'enregistrement, les participants évoquent l'envoi à l'Ukraine de missiles de longue portée Taurus, auquel Berlin s'oppose pour le moment. La diffusion est gênante car elle dévoile des secrets de pays alliés, et sous-entend la présence des Français et Britanniques sur le sol ukrainien. Olaf Scholz, qui a promis une enquête "très approfondie", essuie depuis "des critiques d'une violence inhabituelle" au Royaume-Uniobserve le quotidien Handelsblatt

Londres plus transparente que les autres alliés

Pourtant, après deux ans de guerre, c'est bien Londres qui semble la plus transparente sur la présence de ses hommes en Ukraine. "Au-delà du petit nombre de personnels dont nous disposons dans le pays pour soutenir les forces armées ukrainiennes, nous n'avons aucun projet de déploiement à grande échelle", a déclaré mardi à la presse le porte-parole du Premier ministre britannique.

Fin 2022, déjà, un ancien commandant général des Royal Marines admettait que des commandos britanniques avaient mené des "opérations discrètes" dans un "environnement extrêmement sensible". C'était alors la première fois qu'un militaire reconnaissait la participation de Britanniques à des opérations spéciales comportant "un haut niveau de risque politique et militaire". Le ministère de la Défense avait alors tout juste assumé la présence de trente commandos de Sa Majesté déployés pour protéger l'ambassade britannique à Kiev.

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