Guerre en Ukraine : en Pologne, l'inquiétude de la diaspora ukrainienne menacée d'un retour au pays pour aller au front

Confronté à des difficultés sur le front, Kiev a suspendu les services consulaires pour les hommes en âge de combattre vivant à l'étranger, afin de les rapatrier. A Varsovie, cette décision est très critiquée.
Article rédigé par franceinfo - Adrien Sarlat
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des Ukrainiens rassemblés devant un point de service de passeport ukrainien fermé,à Varsovie, en Pologne, le 24 avril 2024, après que Kiev a suspendu les services consulaires pour les hommes en âge de combattre vivant à l'étranger. (SERGEI GAPON / AFP)

Au centre d'aide pour les réfugiés ukrainiens de Varsovie, la nouvelle a de quoi surprendre. Alors que Kiev a voté une nouvelle loi forçant le recensement militaire de tous les hommes Ukrainiens de 18 à 60 ans vivant à l'étranger, la Pologne a déclaré qu'elle était prête à aider l'Ukraine à rapatrier les ressortissants qui vivent sur son sol pour aider à l'effort de guerre face à la Russie. Cela fait partie des efforts visant à renforcer l'armée ukrainienne, qui a du mal à maintenir les lignes de front en partie à cause du manque de soldats.

Le gouvernement ukrainien a publié mercredi 24 avril 2024 un texte selon lequel Kiev ne délivrera plus de passeports à l'étranger aux hommes âgés de 18 à 60 ans, une nouvelle règle dont les contours restent peu clairs. Kiev cherche à mobiliser davantage de soldats face à l'armée russe. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, a jugé injuste la situation des hommes expatriés quand leurs compatriotes meurent sur le front. "Cela ne m'étonne nullement que les autorités ukrainiennes fassent tout pour envoyer des soldats sur le front", a déclaré le ministre polonais Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, jeudi.

Une annonce plus que difficile à comprendre pour la diaspora ukrainienne en Pologne, dont fait partie Lena. Selon cette quinquagénaire, renvoyer les hommes en âge de se battre vers l'Ukraine n'a pas de sens : "Ceux qui étaient patriotes, qui pouvaient se battre, sont déjà là-bas. Ceux qui restent, ce sont ceux qui ne se voient pas manier une arme, ceux qui ne s'imaginent pas tuer quelqu'un, ou ont simplement peur", fait-elle remarquer. Une peur que Natalia s'efforce, elle aussi, de comprendre. "Ces hommes devraient défendre le pays, mais cette mesure, c'est juste une façon de retarder l'intervention des pays occidentaux, une fois que tous nos hommes seront morts".

"Ils sont plus utiles ici qu'en Ukraine"

Aleksandr, lui, a 60 ans et n'est donc plus en âge d'être mobilisé. Mais il l'assure : le fait d'être à l'étranger ne fait pas de lui un mauvais patriote. "Mes enfants vivent en Pologne depuis plus de six ans et je ne dirais pas qu'ils ne sont pas patriotes, car ils sont dans tous les groupes d'aides, ils recueillent des fonds pour l'armée, ils tissent des filets de camouflage militaires, et ce qu'ils font est nécessaire. Je pense même qu'ils sont plus utiles ici qu'en Ukraine".

En février 2024, 952 104 réfugiés ukrainiens étaient enregistrés en Pologne, dont 16%, soit 152 656 personnes, étaient des hommes en âge de servir dans l'armée, selon l'agence des Nations unies pour les réfugiés. Si la Pologne met sa menace à exécution, ils risquent d'être reconduits de l'autre côté de la frontière.

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