Guerre en Ukraine : faut-il s'alarmer du risque de troisième guerre mondiale brandi par la Russie ?
Le chef de la diplomatie russe a estimé lundi que ce danger était "réel". Franceinfo fait le point sur ce qui constituerait un conflit mondial.
"Le danger est grave, il est réel, on ne peut pas le sous-estimer." Le ministre russe des Affaires étrangères a mis en garde contre le risque d'une troisième guerre mondiale, lundi 25 avril, alors que les tensions entre Moscou et les Occidentaux sont au plus haut. Sergueï Lavrov s'est exprimé à la veille d'une réunion d'une quarantaine de pays alliés des Etats-Unis, organisée en Allemagne, dont l'objectif est de "générer des capacités supplémentaires pour les forces ukrainiennes".
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Depuis le début de l'invasion russe, le 24 février, les forces ukrainiennes ont réussi à résister à l'offensive. Mais elles manquent de moyens pour repousser la nouvelle phase qui se joue dans le Donbass et le sud du pays. Courant avril, les Occidentaux se sont donc résolus à livrer des armes lourdes à Kiev. La Pologne, la République tchèque et la Slovaquie ont envoyé des chars et des batteries antimissiles à leur voisin. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont fourni des véhicules blindés, quand les Etats-Unis ont promis 800 millions de dollars d'armement, listent Les Echos. Dernière annonce en date, celle de l'Allemagne, qui s'est engagée, mardi, à livrer des chars antiaériens Guépard à Kiev.
Une guerre pour l'instant "circonscrite" à l'Ukraine
Cette implication accrue des Occidentaux aux côtés de l'Ukraine ne suffit toutefois pas à en faire des cobelligérants, selon le droit international. "Vendre ou donner des armes n'est pas un acte de belligérance, rappelle ainsi le juriste Alain Pellet, interrogé par franceinfo. L'Europe a le droit de prendre des contre-mesures licites contre celui qui viole extrêmement gravement le droit international [en envahissant un pays voisin]."
"Une multitude de pays sont, certes, concernés mais (...) pas de façon directe", soulignait par ailleurs Isabelle Davion, maîtresse de conférences à la Sorbonne-Université, dans un entretien au Télégramme (article payant) publié début mars. Selon cette spécialiste des relations internationales, une guerre mondiale se caractérise en outre par "deux coalitions [d'Etats] qui sont face à face", impliquées dans "des combats" opposant "des hommes et des femmes avec des armes", ainsi que "plusieurs théâtres d'affrontement, impliquant plusieurs continents". A ce stade, "les combats sont circonscrits à une région géographique précise", souligne-t-elle. Et les Etats-Unis et leurs alliés ont répété à plusieurs reprises qu'ils n'enverraient pas de troupes en Ukraine.
L'évocation du risque de conflit mondial relève donc, selon certains observateurs, d'une stratégie de communication. "On ne parlera de troisième guerre mondiale que lorsque les gens s'accorderont, de manière subjective, sur le fait qu'il y en a une, argue l'historien Gavriel Rosenfeld dans le Washington Post (lien en anglais). Tant que le conflit sera limité à ses caractéristiques actuelles, la façon dont on le qualifie restera une bataille partisane influencée par la peur."
Une tentative d'intimider les Occidentaux
Alors comment interpréter la déclaration de Sergueï Lavrov sur le risque "réel" de troisième guerre mondiale ? Pour Isabelle Facon, directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégique, cette sortie est "une réponse à la réunion entre les quarante pays pour apporter une aide supplémentaire à l'Ukraine".
"Le discours des Russes s'est fait plus menaçant dernièrement, face à la livraison d'armes à l'Ukraine. L'idée est de mettre en garde les Occidentaux sur le franchissement d'une ligne rouge qui pourrait faire que la Russie les considère comme 'cobelligérants' dans le conflit."
Isabelle Facon, directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégiqueà franceinfo
On ignore toutefois où se situe cette ligne rouge pour Moscou, pointe la spécialiste des politiques de sécurité et défense russes. "Constatant que les partenaires de l'Ukraine ne fléchissent pas sur le transfert d'armes, à l'heure où le Kremlin a besoin de pouvoir faire valoir des avancées dans le Donbass, la Russie veut alerter implicitement sur le risque d'extension du conflit", estime Isabelle Facon.
Certains experts s'inquiètent en effet des conséquences d'un potentiel incident à la frontière avec l'Otan, par exemple en Pologne ou dans les Etats baltes. L'article 5 du traité de l'Alliance atlantique prévoit qu'en cas d'agression d'un Etat membre, tous les autres pays lui viennent en aide. "La guerre mondiale n'est pas l'objectif de Poutine, qui veut seulement l'Ukraine, avance Tatiana Jean, spécialiste de la Russie à Institut français des relations internationales (Ifri), dans les colonnes des Echos. Mais en condition de guerre, comme je le disais, un incident est vite arrivé."
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