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Guerre en Ukraine : il n'y aura "pas énormément de conséquences" en cas de non-renouvellement de l'accord sur les céréales par les Russes, selon un expert

Après l'annonce russe du non-renouvellement de l'accord sur l'exportation de céréales ukrainiennes, Philippe Chalmin, professeur émérite à l'université Paris-Dauphine, estime que le risque de crise alimentaire est sur-évalué par les Nations-unies.
Article rédigé par franceinfo
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Philippe Chalmin, professeur émérite à l'université Paris-Dauphine. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Il n'y aura "pas énormément de conséquences" en cas de non-renouvellement de l'accord sur les exportations de céréales par les Russes, a affirmé lundi 17 juillet sur franceinfo Philippe Chalmin, professeur émérite à l'université Paris-Dauphine, spécialiste des matières premières et de l'énergie. La Russie a notifié officiellement son refus de reconduire l'accord qui permet l'exportation des céréales ukrainiennes via la mer Noire. Signé en juillet 2022, cet accord doit expirer lundi à 23 heures, heure de Paris, après avoir déjà été reconduit en mars, puis en mai dernier. "Il n'y a jamais eu de risque de crise alimentaire. Ça fait partie du langage diplomatique utilisé par les Nations unies qui ont dramatisé la situation".

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franceinfo : Quelles conséquences aurait un non-renouvellement de cet accord sur les céréales ?

Philippe Chalmin : Pas énormément de conséquences dans la mesure où il faut bien se rendre compte que cet accord a permis l'année dernière à l'Ukraine d'exporter à peu près 50 millions de tonnes de céréales. 25 millions, donc la moitié des tonnages, sont passés par la mer Noire, dans le cadre de l'accord céréalier. Un quart est passé par l'Europe et un quart par le petit morceau d'Ukraine qui touche directement le Danube. C'est un débouché d'ailleurs que l'Ukraine essaie de développer. Il y a ambiguïté car sur les 50 millions de tonnes de céréales exportées en 2022-2023, il y avait 30 millions de tonnes de maïs. Et ce maïs, il est destiné à l'alimentation animale. Il est acheté par l'Espagne, par la Chine. Il n'y avait que 17 millions de tonnes de blé, le principal exportateur sur le marché mondial du blé, c'est tout simplement la Russie. Les prix du blé ont d'ailleurs à peine bougé ces derniers temps et ils sont à un peu plus de la moitié des sommets qui avaient été atteints l'année dernière.

En cas de non-renouvellement de cet accord, il n'y aurait pas de risque de crise alimentaire sur les pays les plus pauvres ?

Mais il n'y a jamais eu de risque de crise alimentaire. Ça fait partie du langage diplomatique utilisé par les Nations-unies qui ont dramatisé la situation. Il n'y a pas eu de crise alimentaire. Actuellement, le prix du blé est aux alentours de 230 € la tonne ; il y a un an on était à plus de 400 €. Effectivement, les pays importateurs du tiers-monde ont payé cette différence. Il y a effectivement dans un certain nombre de pays des problèmes de pauvreté alimentaire, des problèmes de faim. Et ces problèmes sont liés aux combats, aux guerres civiles, à la mal gouvernance. Les pays concernés, ce sont la République démocratique du Congo, le Soudan, le Nigeria, la Syrie, le Yémen, la Palestine. Mais c'est une crise provoquée par les hommes et non pas par l'absence de disponibilité de céréales. Sur le marché du blé qui est le marché de la céréale alimentaire humaine, l'Ukraine pèse quand même relativement peu.

Avec tout ce que vous nous dites, cela veut dire que finalement, les moyens de pression de la Russie sont assez faibles ?

Disons qu'ils jouent peu de cette carte et en réalité, ils n'ont pas fermé la porte. Simplement, ils exigent une chose qui faisait partie des sanctions. Au moment où l'on a commencé à sanctionner la Russie, on a notamment sanctionné les banques russes en les excluant du système de paiement interbancaire qu'est le système Swift. Ce qu'ils réclament au moins, c'est que la banque russe de référence dans ce domaine, qui est la banque agricole de Russie, puisse être réintégrée au système Swift. Et pour l'instant, ils n'ont pas été entendus, donc ils arrivent à exporter. Simplement, c'est plus compliqué parce que la plupart des banques occidentales sont extrêmement réticentes à aller travailler avec les Russes.

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