Guerre en Ukraine : la Turquie, pays refuge des entreprises russes face aux sanctions européennes
Entre janvier et aout dernier, 729 entreprises à capitaux russes ont été créées en Turquie, c'est quatre fois plus que sur l'ensemble de l'année 2021. Les Occidentaux craignent que ces échanges financiers russo-turcs permettent à Moscou de contourner les sanctions économiques.
Les sanctions occidentales contre Moscou court-circuitées par des investissements en direction de la Turquie ? La question se pose car quatre fois plus d'entreprises à capitaux russes ont été créées en Turquie entre janvier et août derniers, par rapport à l'ensemble de l'année 2021. De quoi inquiéter les Occidentaux.
Sur les huit premiers mois de l'année en cours, 729 entreprises à capitaux russes ont été créées en Turquie, en majorité dans le secteur du commerce de gros et de détail. Pour rappel, Ankara refuse pour le moment de se joindre aux sanctions mises en place par l'Occident. Comme le dit un diplomate européen, "c’est une chose de ne pas infliger de sanctions à la Russie, c’en est une autre de l’aider à les contourner".
Sanctions occidentales : une aubaine pour la Turquie
Selon Mitat Celikpala, spécialiste des relations russo-turques, il n’y a pas de doute : les sanctions occidentales sont perçues en Turquie comme autant d’opportunités :
"Rien que sur les six premiers mois de l’année, le volume des échanges commerciaux russo-turcs avait atteint le volume total de 2021. Il y a plusieurs facteurs. Des entreprises de logistique turques remplacent les entreprises américaines et européennes qui se heurtent aux sanctions."
"Des Russes créent en Turquie des sociétés exportatrices, investissent dans l’immobilier et obtiennent la nationalité turque. Tout cela est perçu comme une sorte de 'bouée de sauvetage' pour l’économie turque en crise."
Mitat Celikpala, spécialiste des relations russo-turquesFrance Info
En devenant ainsi le principal point de transit de marchandises vers la Russie, la Turquie joue cependant un jeu risqué, exposant notamment ses institutions financières à des sanctions dites "secondaires". Fin septembre, Ankara a cédé aux pressions américaines et renoncé au système de paiement Mir, qui permettait aux Russes de continuer à retirer de l’argent en Turquie.
Pour Mitat Celikpala, l’essor du commerce russo-turc a ses limites :"Si la Russie devient un acteur encore plus agressif, si elle élargit et intensifie ses attaques contre l’Ukraine et fait durer la guerre, et si l’Occident alourdit les sanctions, alors la Turquie devra choisir. Et elle choisira l'Occident, pas la Russie, pour ne pas se retrouver dans le camp des perdants."
Pour sa part, le gouvernement turc dément aider Moscou à échapper aux sanctions. Il fait valoir que sa position dite "équilibrée" a permis plusieurs médiations entre Kiev et Moscou, notamment sur la reprise des livraisons de céréales ukrainiennes.
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