"Il y a tellement d'argent en jeu" : malgré la guerre en Ukraine, les diamants russes s'échangent toujours librement à Anvers
Les importations de diamants russes se poursuivent. Ce secteur ne fait toujours pas l'objet de sanctions de l'Union européenne. Un "oubli" dont profite la ville d'Anvers, la ville belge capitale mondiale du marché du diamant.
L'essentiel du commerce mondial du diamant tient aujourd'hui en trois rues d'Anvers, truffées de caméras. Chez ces professionnels installés dans la ville belge, l'importation de diamants russes est aujourd'hui un sujet tabou.
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Ce secteur ne fait toujours pas l'objet de sanction de l'Union européenne. Des sanctions existent pourtant aux États-Unis et face à l'invasion russe, le président ukrainien, Volodymyr Zelenski avait appelé à sanctionner ces importations de pierres précieuses.
Dans les ruelles de la ville belge, Christophe brise le silence. Il est employé d'une société de transport de pierres précieuses. "Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises refusent déjà de travailler avec ces diamants russes. Bien sûr, il y a toujours des entreprises qui en importent."
"C'est une question difficile, il y a tellement d'argent en jeu."
Christophe, employé d'une société de transport de pierre précieusesà franceinfo
Les diamants russes représentent un quart des pierres qui transitent à Anvers soit environ 1,3 milliard d'euros d’importations en 2022, selon les dernières estimations. Les partisans pour la création de sanctions dénoncent aujourd'hui ces échanges qui financent directement la guerre russe en Ukraine.
Le lobby des diamants met la pression à Bruxelles
Les sanctions seraient contre-productives explique le porte-parole de l'association des diamantaires d'Anvers. Tom Neys rappelle que le secteur du diamant en Belgique représentant 1500 entreprises et 30.000 emplois. "Mettre en place des sanctions, c’est quelque chose de vraiment naïf parce qu'honnêtement, la Russie ne va pas arrêter de vendre des diamants parce que l’Europe n’en veut plus. Les diamants vont simplement être vendus ailleurs.
"Si on sanctionne ce secteur, l’Europe va perdre un secteur d’activité à 40 milliards."
Tom Neys, porte-parole de l'association des diamantaires d'Anversà franceinfo
Selon plusieurs experts, le lobbying des diamantaires jouit de nombreux relais parmi les politiques belges. Pour Transparency International, l'Union européenne doit afficher un front uni. "C’est là qu’on peut parler de cynisme de la part de la Belgique, explique Roland Papp, spécialiste des flux financiers illicites au sein de l'ONG. D’un côté le gouvernement belge dit publiquement 'bon et bien si c’est mis sur la liste des sanctions, on ne va pas s’y opposer' alors qu’en coulisses les Belges disent depuis des mois que sanctionner les diamants serait trop dur pour le pays. Résultat ça ne fait jamais partie des propositions."
Au mois de juillet dernier, Transparency international a écrit au gouvernement belge et à la Commission pour réclamer des sanctions sur les importations de diamants russes. De son côté, Bruxelles rappelle simplement que toute nouvelle sanction doit être prise à l'unanimité des États membres.
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