Guerre en Ukraine : les Moscovites face aux sanctions économiques, entre peur de tout perdre et confiance malgré tout
Les premiers effets des sanctions économiques contre la Russie se font sentir mardi dans les rues de Moscou. Le rouble s'est effondré et les prix des produits augmentent.
Fermeture des espaces aériens, gel d'avoirs de personnalités ou d'entreprises, remise en question de liens financiers ou commerciaux... L'Europe et les États-Unis en tête ont multiplié les annonces ces derniers jours afin de dissuader Moscou de poursuivre ses assauts sur l'Ukraine. Mais en Russie, si on a vu, sur les réseaux sociaux, des images de files d'attente devant les distributeurs de billets, ce n'est pas la panique dans les rues de Moscou, mardi 1er mars. Ce qui semble logique car les effets des sanctions ne sont pas arrivés jusqu'aux Russes de la rue. Pour le moment, ils sont réels et palpables sur les marchés financiers. Mais une l'inquiétude se lit sur beaucoup de visages, une peur qui prend forme forme parfois au coin d'un boulevard où l'on croise une file d'attente inhabituelle devant un distributeur d'argent. Serguey sort d'une agence bondée de la Sberbank, l'une des plus grandes banques russe. "Les gens se mettent à retirer de l'argent à cause de la situation politique dans le pays. Les gens ont peur", explique le Moscovite.
"On a annoncé les sanctions contre plusieurs banques, y compris Sberbank. Les gens ont peur que quelque chose arrive à leur dépôt. Ils préfèrent avoir du cash."
Serguey, un Moscoviteà franceinfo
Les banques sous sanctions, toutes réputées proches du pouvoir, sont aussi celles où sont versés les salaires des fonctionnaires, parmi lesquels on retrouve traditionnellement beaucoup d'électeurs de Vladimir Poutine. Même si les niveaux de retraits sont importants ces jours-ci, certains affirment qu'ils n'ont peur de rien et qu'ils n'ont rien vu, quitte à y mettre un peu de mauvaise foi. "Où ça ? Où est-ce que vous avez vu des files d'attente ? demande Elena une sexagénaire croisée à la sortie de son agence. Les gens ont toujours retiré beaucoup d'argent dans la journée, comme d'habitude. La situation économique est normale. Je travaille dans les affaires, tout va bien, rien n'a changé. Tout ce que la Russie avait, elle le gardera. Elle n'est pas dépendante d'autres pays."
Effondrement du rouble
Changement de décor, dans un centre commercial très huppé du centre de Moscou. Danyil, un jeune geek d'à peine 20 ans vient d'acheter un téléphone, avant que les prix ne s'envolent sur les produits technologiques. Ces derniers jours, le prix moyen d'un iPhone a bondi de plus 25% en Russie. "Ça m'inquiète beaucoup parce que je suis concepteur de jeux vidéo, commente-t-il. Et si les prix des ordinateurs augmentent, la première conséquence, c'est que peu de gens pourront en acheter. La deuxième, c'est que mes frais professionnels vont augmenter parce que je devrai payer plus cher mes appareils."
Si les sanctions n'ont que peu d'effet encore sur l'économie réelle, la chute du rouble pourrait en avoir sur le commerce. Il y a quelques jours, il fallait 90 roubles pour un euro, aujourd'hui c'est près de 120. Les prix des produits importés – nombreux en Russie – ne vont pas tarder à augmenter. Arman, un Arménien installé à Moscou, a acheté six jeans en prévision des hausses de prix. Comme la moitié de son épargne est en roubles, il préfère la dépenser avant qu'elle ne vaille plus rien. Beaucoup de Russes savent qu'ils entrent dans une grande période d'incertitude. "Comme beaucoup de gens en ce moment, je ne me projette pas, confie Arthur, un musicien de 22 ans. Tous les jours, c'est un enchaînement d'événements, d'informations. Je pense que même les hommes politiques ne savent pas où on va ou ce que sera demain. Nous vivons au jour le jour."
La Russie est un pays qui vit sous sanctions, déjà, depuis huit ans. Le pouvoir russe a admis lundi que la situation avait drastiquement changé. Jusque-là, le Kremlin affirmait que le pays était prêt à résister à toutes les sanctions.
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