Cet article date de plus de deux ans.

Guerre en Ukraine : "Nous avons des preuves formelles" de crimes de guerre à Boutcha, affirme le procureur adjoint de la ville

Sept jours sur sept, du matin au soir, accompagné d'experts légistes français, cet enquêteur recueille les traces des exactions commises par l'armée russe en les confrontant aux témoignages. Nous l'avons accompagné sur le terrain.

Article rédigé par franceinfo - Mathilde Dehimi et Eric Audra
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Andriy Turbar, procureur adjoint de Boutcha (Ukraine), lundi 9 mai 2022. (ERIC AUDRA / RADIO FRANCE)

Le convoi s'arrête devant un petit cimetière près de Vorzel, dans la banlieue Nord-Ouest de Kiev. La terre est à peine retournée, la tombe anonyme. Le procureur adjoint de Boutcha, Andriy Turbar, désigne à ses collègues la sépulture à exhumer. En attendant les instructions, les experts légistes de la gendarmerie française – 18 militaires ont été envoyés par la France en soutien à l'Ukraine – déploient leurs drones. Autant d'images précises qui pourront servir aux enquêteurs pour documenter les crimes de guerre commis par l'armée russe dans cette ville où plusieurs centaines de cadavres avaient été découverts début avril.

Prouver que "la balle est bien d'origine russe"

La tournée du procureur adjoint nous mène ensuite à un autre emplacement. Ici, une femme est morte. Son téléphone a sonné en haut de la colline, alertant les soldats russes tout proches. Ils ont tiré sur elle une fois. Le procureur adjoint ouvre une enquête : "Nous allons étudier ou se situent ses blessures, si la balle est bien d'origine russe, comme l'affirment les témoins, détaille Andriy Turbar. Nous devons établir qui a tiré et comment cela s'est déroulé. Et sur la base de ces conclusions, si nous considérons que tout cela est correct et correspond aux déclarations des témoins, nous déciderons de poursuivre le responsable de ce tir." 

Le procureur adjoint de Boutcha, accompagné de gendarmes légistes français, recueille des preuves de crime de guerre dans un cimetière, près de Vorzel, au Nord-Ouest de Kiev (Ukraine). (ERIC AUDRA / RADIO FRANCE)

Mais la famille de cette victime a déjà fait déplacer le corps à la morgue en oubliant de prévenir le procureur adjoint. Faux départ pour une journée qui s'annonce longue. Mais Andriy Turbar reste optimiste : "Nous avons déjà ouvert plus de 1 500 enquêtes sur ma juridiction. Bien sûr, c'est vraiment très difficile et pénible."

"On travaille sept jours sur sept, du matin au soir, pour constituer des preuves solides devant les tribunaux et la Cour pénale internationale."

Andriy Turbar, procureur adjoint de Boutcha

à franceinfo

Le procureur adjoint ferme son gilet tout neuf floqué "Enquêteur de crimes de guerre". Son travail a conduit à la mise en examen, la semaine dernière, de dix soldats russes cantonnés à Boutcha. Comment a-t-il établi leur responsabilité individuelle? "Secret de l'instruction, sourit Andriy Turbar. Mais nous avons des preuves formelles. Nous disposons déjà d'une base de données conséquente. Avec beaucoup de renseignements sur le terrain, on récupère des preuves, comme par exemple des restes de rations, des morceaux de tenues militaires, leurs cartes d'identité et passeports. Tout ça prouve que les soldats russes se trouvaient bien ici."

La justice ukrainienne a ouvert plus de 10 000 enquêtes pour crimes de guerre et créé un site internet pour recueillir plus vite documents et témoignages. Des preuves qui pourront ensuite être transmises à la Cour pénale internationale

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.