Guerre en Ukraine : on vous explique le débat sur la suspension des visas délivrés aux ressortissants russes par les pays de l'UE
Réunis à Prague, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se penchent sur un durcissement de la délivrance de visas de court séjour pour les Russes. Cette proposition, que la Pologne et les pays baltes veulent porter jusqu'à une interdiction, ne fait pas l'unanimité.
L'Union européenne va-t-elle faire un pas de plus vers une rupture totale avec la Russie et ses ressortissants ? Mardi 30 et mercredi 31 août, les ministres des Affaires étrangères de l'UE sont réunis à Prague (République tchèque) pour aborder la délicate question des visas de court séjour accordés aux citoyens russes, que plusieurs pays veulent interdire. Toutefois, cette mesure radicale est loin de faire l'unanimité de Lisbonne à Tallinn, en passant par Bruxelles. Explications.
De quoi débattent les représentants de l'Union européenne ?
A Prague, la présidence tchèque de l'Union européenne a mis à l'ordre du jour d'une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères une question brûlante, six mois après le début de la guerre en Ukraine : faut-il arrêter de délivrer aux ressortissants russes des visas de court séjour au sein des pays de l'UE, dont ils sont plusieurs centaines de milliers à profiter ?
En 2021, les Russes étaient les plus nombreux à demander des visas de court séjour aux 26 pays de l'espace Schengen. Sur environ trois millions de demandes reçues, 536 000 concernaient des ressortissants russes, selon la Commission européenne (lien en anglais). Ces visas permettent de séjourner dans l'espace Schengen pendant un maximum de 90 jours par période de six mois, quel que soit le motif (tourisme, études, voyages d'affaires...).
Quels sont les pays favorables à cette interdiction ?
Les pays baltes, à savoir l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, militent pour une interdiction pure et simple des visas touristiques accordés à leurs voisins russes, ce que réclame le président ukrainien Volodymyr Zelensky. "Le tourisme est un privilège, pas un droit, et ce privilège n'appartient pas aux citoyens d'un pays qui mène une guerre génocidaire contre l'Ukraine", a insisté jeudi la Première ministre estonienne, Kaja Kallas.
D'autres pays, comme la Pologne ou la République tchèque, défendent aussi cette interdiction. Frontalière de la Russie, la Finlande, qui traite quelque 1 000 demandes de visas par jour, a déjà décidé de réduire à 10% de ce volume le nombre de visas délivrés aux touristes russes dès le 1er septembre.
Qui s'oppose à cette option au sein de l'UE ?
L'Allemagne figure au premier rang des pays réfractaires à cette mesure. Pour le chancelier allemand, Olaf Scholz, cela pénaliserait "toutes les personnes qui s'enfuient de Russie parce qu'elles sont en désaccord avec le régime russe". Un avis partagé par les autorités portugaises, pour qui les sanctions doivent, en premier lieu, "viser l'industrie de guerre russe, et non le peuple russe".
Quant à la Commission européenne, elle insiste sur la nécessité de protéger pour des raisons humanitaires les dissidents, les journalistes et les familles, rappelant que les demandes doivent être examinées au cas par cas.
Un compromis peut-il être trouvé ?
Entre l'interdiction et le statu quo, une solution intermédiaire existe : il s'agit de compliquer la délivrance de visas touristiques pour les citoyens russes, comme l'a proposé la Finlande, pays limitrophe de la Russie. Cela passerait par la suspension totale d'un accord entre l'Union européenne et Moscou, signé en 2007, qui facilite cette délivrance des visas de court séjour. Ainsi, cette démarche serait plus longue, plus chère et plus contraignante pour la population russe. Depuis le déclenchement du conflit, l'UE a déjà suspendu partiellement ces facilités de délivrance pour certaines personnes liées au régime (délégations officielles, détenteurs de passeport diplomatique, chefs d'entreprise...).
Les représentants de l'UE défendent cette ligne intermédiaire. "Je ne crois pas que couper les liens avec la population civile russe sera utile, et je ne crois pas que cette idée obtiendra l'unanimité requise", s'est avancé Josep Borrell, dimanche soir, sur la chaîne autrichienne ORF TV. Le porte-parole de la diplomatie européenne estime qu'il faut "revoir la manière dont certains Russes obtiennent un visa. Nous devons être plus sélectifs."
Mardi, le gouvernement allemand a proposé un compromis, limitant une suspension à l'accord sur la facilité de visas et aux visas à entrées multiples. "Je pense que cela peut être une très bonne voie de dire clairement que nous suspendons les accords sur la facilitation des visas, que nous ne délivrons plus de visas multiples ou de visas de plusieurs années", a expliqué la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock.
Et comment se positionne la Russie ?
Le Kremlin a déclaré mardi que la Russie prendrait des mesures de rétorsion si l'Union européenne décidait de suspendre ses visas pour les Russes. "C'est une décision très grave qui pourrait être prise contre nos citoyens et une telle décision ne saurait rester sans réponse", a assuré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. "Petit à petit, Bruxelles, comme les capitales européennes, affiche un manque total de jugement (…) Cette irrationalité, qui frôle la folie, permet à de telles mesures [sur les visas] d'être débattues."
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