Guerre en Ukraine : pourquoi les "armes à sous-munitions" ne sont-elles pas interdites partout dans le monde ?
L'annonce de Joe Biden a été rapidement critiquée par la communauté internationale. Le président américain a confié avoir pris une décision "très difficile" en validant la livraison d'armes à sous-munitions en Ukraine. Elles sont interdites dans nombre de pays, notamment européens, signataires de la Convention d'Oslo, mais ni les États-Unis, ni l'Ukraine, ni la Russie et ni la Chine n'y sont parties prenantes.
>> Guerre en Ukraine : suivez les dernières informations
Les armes à sous-munitions sont des bombes, des sortes d'obus creux, qui contiennent elles-mêmes d'autres bombes plus petites. Elles peuvent ainsi disperser plusieurs centaines de petites charges explosives. Une fois larguées par avion ou tirées avec un canon, elles s'ouvrent dans les airs, libérant les petites bombes qui explosent en touchant le sol. Ces armes font beaucoup de dégâts puisqu'elles couvrent un périmètre très important, parfois plus de 30 000m². Pour ces mêmes raisons, elles sont aussi très peu précises.
Une partie des petites bombes n'explosent pas quand elles sont larguées, soit parce que le sol est trop meuble, soit parce qu'elles sont défectueuses. C'est le cas de 40% d'entre elles, selon l'ONG Handicap international. Par conséquent, elles risquent d'exploser à la moindre manipulation et constituent un grand danger pour les civils, les enfants notamment, d'autant que certaines de ces munitions peuvent mettre des dizaines d'années avant d'exploser.
"Par pitié"
Elles peuvent ainsi rendre inhabitables des zones entières dans les pays sur lesquelles elles sont utilisées. C'est le cas au Laos, bombardé pendant neuf ans, entre 1964 et 1973, et dont le territoire est aujourd'hui truffé de dizaines de millions de sous-munitions. C'est la raison pour laquelle la convention d'Oslo, signée en 2008, interdit l’utilisation, la fabrication, le commerce et le stockage des bombes à sous-munitions.
Peu après l'annonce de Joe Biden, le Premier ministre cambodgien Hun Sen a mis en garde dimanche l'Ukraine contre l'usage de ces armes à sous-munitions citant "l'expérience douloureuse" de son pays où les larguages américains dans les années 1970 ont tué ou mutilé des dizaines de milliers de personnes. " Par pitié pour le peuple ukrainien, j'appelle le président américain, en tant que fournisseur, et le président ukrainien, en tant que destinataire, à ne pas utiliser de bombes à fragmentation dans la guerre car les vraies victimes seront les Ukrainiens", a-t-il déclaré.
Après 30 ans d'une guerre civile qui a pris fin en 1998, le Cambodge reste l'un des pays les plus minés au monde. Environ 20 000 Cambodgiens ont été tués au cours des quatre dernières décennies après avoir marché sur des mines ou munitions non explosées. Les travaux de déminage se poursuivent à ce jour, le gouvernement s'engageant à éliminer toutes les mines et munitions non explosées d'ici 2025.
Certains pays en fabriquent encore
Si les États-Unis peuvent aujourd'hui annoncer leur livraison, c'est qu'ils n'ont pas signé cette fameuse Convention d'Oslo de 2008, comme 59 autres pays. Concrètement, ce traité, entrée en vigueur en août 2010, a été signé par 119 États en décembre 2008 et interdit l’utilisation, la fabrication, le commerce et le stockage des bombes à sous-munitions. Elle inclut également des obligations aux États parties comme l’aide aux victimes et le déminage des zones contaminées.
Si le pays ne produit plus d'armes à sous-munitions, Washington en détient encore des stocks très importants : trois millions, selon Handicap International. Aujourd'hui, 16 pays continuent d'en fabriquer dans le monde dont Israël, la Chine ou encore la Russie, qui les a d'ailleurs fréquemment utilisés en Ukraine. En revanche, l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni, qui ont signé et appliquent la Convention de 2010, ont récemment détruit la totalité de leurs stocks.
Selon l'association, depuis 2010, ces bombes à sous-munitions ont été utilisées à de nombreuses reprises dans les conflits en Syrie, au Yémen, en Libye et au Soudan ces dernières années. Ce n'est pas la première fois que Kiev les utilise à son tour, d'après l'ONG Human Rights Watch. Selon elle, le pays en fait usage l'année dernière autour d'Izioum, une ville de l'est de l'Ukraine contrôlée par les Russes.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.