Guerre en Ukraine : pourquoi les référendums d'annexion à la Russie représentent une escalade politique majeure
En annonçant à la hâte l'organisation de ces scrutins, Moscou tente de réagir à la contre-offensive ukrainienne qui a fragilisé ses positions.
Près de sept mois après le début de la guerre en Ukraine, les autorités séparatistes de quatre régions du pays ont annoncé, mardi 20 septembre, la tenue de "référendums d'annexion" du vendredi 23 au mardi 27 septembre. Le lendemain, dans son allocution télévisée, Vladimir Poutine a d'ailleurs apporté son soutien à ces initiatives, défendant le "droit à l'autodétermination" des habitants des provinces de Donetsk, de Louhansk, de Kherson et de Zaporijia. Franceinfo vous explique pourquoi ces annonces représentent une escalade majeure dans le conflit ukrainien.
Parce que la Russie considère ces territoires comme les siens
Alors que l'armée russe a perdu du terrain sur le front ukrainien, au point que Vladimir Poutine a annoncé une mobilisation partielle dans son pays, l'organisation de ces référendums ressemble à une démonstration de force. Car ces scrutins sont évoqués depuis plusieurs mois et leur organisation semble s'être accélérée avec la contre-offensive ukrainienne. "C'est une façon de sanctuariser ces territoires", explique Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France en Russie, désormais directeur de recherches à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). "La Russie annonce pour l'extérieur, qu'elle défendra ces territoires comme le sien."
"Toute menace terrestre sur ces territoires sera considérée comme une menace existentielle par Moscou."
Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur en Russieà franceinfo
Une fois ces référendums approuvés (une issue qui ne fait aucun doute), la Russie pourrait donc considérer que la guerre a désormais lieu sur son sol. "Et quand on parle de menace existentielle, c'est l'arme atomique qui est en jeu", poursuit Jean de Gliniasty. Vladimir Poutine a en effet menacé d'"utiliser toutes les armes à notre disposition si l'intégrité territoriale de la Russie est menacée" lors de son allocution télévisée.
Pour Alexandra Goujon, maîtresse de conférence en sciences politiques à l'université de Bourgogne et spécialiste de l'Ukraine, ces référendums constituent toutefois "la suite logique de la guerre. Il s'agit bien d'une conquête territoriale avec la volonté d'annexer les territoires ukrainiens qui ne sont pas considérés comme légitimes".
Parce que Moscou adopte la même stratégie qu'en Crimée
La légitimité de ces votes est largement contestée. "Ces scrutins sont totalement illégaux et n'ont aucun sens, assure Nicolas Tenzer, enseignant à Sciences Po, spécialiste des questions internationales, interrogé sur franceinfo. "Les régions concernées sont en grande partie occupées, parfois en guerre, les gens ne peuvent pas voter."
Les premières réactions diplomatiques confirment que les résultats de ces référendums ne seront pas reconnus par la communauté internationale. Pour le chancelier allemand Olaf Scholz, ces scrutins sont "fictifs" et leurs résultats ne seront "pas couverts par le droit international". A l'Assemblée générale des Nations unies, Emmanuel Macron a qualifié ces votes de "parodie".
"L'idée même d'organiser des référendums dans des régions qui ont connu la guerre, qui ont subi des bombardements est la signature du cynisme."
Emmanuel Macronà la tribune des Nations unies
Ces annexions pourraient toutefois connaître une issue similaire à celle de la Crimée, annexée par la Russie en 2014 après un référendum non reconnu par la communauté internationale. "Les Etats-Unis ne reconnaîtront jamais les prétentions de la Russie sur des parties prétendument annexées de l'Ukraine", a prévenu Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche.
Parce que cela sert la propagande russe
Ces annonces s'inscrivent dans la droite ligne de la propagande russe depuis le début de l'invasion de l'Ukraine le 24 février. Lors de son allocution télévisée, Vladimir Poutine a réaffirmé vouloir "protéger" les Ukrainiens du prétendu "régime nazi" en place à Kiev. "Nous n'avons pas le droit de laisser les citoyens à la merci de ces barbares, il faut que cette population ait le droit à l'autodétermination", a-t-il affirmé. Pour Nicolas Tenzer, ces annonces servent "exclusivement la propagande interne du régime russe".
"Cela permet de justifier l'attaque en expliquant que ces territoires sont soi-disant russes."
Nicolas Tenzer, spécialiste des questions internationalessur franceinfo
Selon Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur en Russie, la tenue de ces référendums pourrait aussi rassurer les populations qui sont restées dans les régions concernées et qui ont pris le parti de la Russie : "Elles craignent beaucoup une épuration, des difficultés avec les autorités ukrainiennes en cas de reconquête ukrainienne. Là, cela veut dire : 'On ne vous lâchera pas'. Et c'est très important."
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