Guerre en Ukraine : selon un expert militaire, "les Russes voulaient tester le système" après le passage d'un missile russe dans l'espace aérien polonais
La Russie a lancé dimanche 24 mars une attaque massive de missiles et de drones contre l'Ukraine, ciblant la capitale Kiev et la région de Lviv, dans l'ouest du pays. La Pologne a dénoncé la violation de son espace aérien par un des missiles russes. Un des missiles de croisière lancés a violé l'espace aérien polonais pendant une quarantaine de secondes avant de le quitter, a indiqué dimanche l'armée polonaise.
Pour le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, ce tir n'est pas forcément intentionnel, même si la Russie peut l'utiliser pour servir ses intérêts. "Les Russes savaient probablement qu'il passerait près de la frontière et ça leur permettait en même temps de tester le système", analyse-t-il.
franceinfo : Quelle est la marge d'erreur sur la trajectoire ? Cela peut avoir des conséquences importantes, d'autant que la Pologne est membre de l'OTAN…
Dominique Trinquand : Cela dépend beaucoup des missiles, naturellement. Et les missiles russes ont montré à de multiples reprises qu'ils étaient d'une précision relative. Donc il n'est pas impossible que ce soit une mauvaise programmation, mais pas impossible non plus que les brouillages, qui sont faits pour les empêcher de frapper, les perturbent et qu'ils s'éloignent de leur trajectoire. Mais compte tenu de la proximité de la frontière polonaise, plus vous frapperez, plus vous risquerez des incidents de ce type-là. La réaction polonaise marque à la fois sa capacité à identifier bien sûr à un missile qui s'approche de son espace aérien, mais en même temps sa capacité à réagir rapidement en convoquant l'ambassadeur de Russie pour avoir des explications et être très ferme vis-à-vis de ces actes commis par l'armée russe.
Sur le plan purement militaire, l'armée polonaise surveille au quotidien la trajectoire des missiles russes. Peut-elle réagir en cas de menace grave ?
Cela dépend beaucoup de l'endroit où passe le missile. La défense antiaérienne polonaise ne peut pas couvrir l'entièreté du territoire donc je pense qu'il y a peut-être des trous là-dedans. Et [une violation de l'espace aérien pendant] 39 secondes, c'est quand même très très court. Donc, est-ce qu'à ce moment-là, il n'y avait pas de patrouille en l'air et donc un délai un peu trop grand pour intervenir ? Je ne sais pas. En tout état de cause, on ne pouvait pas éviter un missile qui tombe, mais ça serait un et pas deux.
On sait aussi que l'intimidation fait partie de la guerre. Ce qui s'est passé la nuit dernière, ça peut, ça pourrait en faire partie ?
L'intimidation, je ne pense pas, parce que ça n'intimide pas grand monde qu'un missile passe 30 secondes dans l'espace aérien polonais. En revanche, que cela teste le système défensif, en particulier la capacité des radars à les identifier et la capacité de réaction polonaise, oui, c'est tout à fait possible.
Quand on voit comment Vladimir Poutine profite des événements pour écrire sa vérité, peut-on imaginer que le président russe utilise cette violation de l'espace aérien polonais pour provoquer les Occidentaux ?
Je séparerais bien les deux affaires. Parce qu’effectivement, le président Poutine est en guerre maintenant, son porte-parole Dmitri Peskov l'a dit, il a parlé de "guerre" et non plus d'opération militaire spéciale. Poutine est en guerre contre l'Ukraine, donc cela ne l'intéresse pas d'avoir un deuxième ennemi, l'État islamique. C'est pour ça qu'il veut que son peuple comprenne qu'il y a la guerre, donc la montée des tensions, ce qui lui permettra de durcir son régime et de prendre un certain nombre de mesures. Mais un seul ennemi suffit. Et quant à l'Otan, c'est un ennemi idéologique, mais se heurter militairement à l'Otan, il sait qu'il n'y a pas intérêt. Autant l'utilisation de l'attentat pour marquer que sa guerre est toujours face à l'Ukraine, c'est vraiment une volonté du président Poutine, autant se heurter à l'Otan n'est pas dans son intérêt.
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