Guerre en Ukraine : un homme entre en Norvège à pied depuis la Russie et affirme être un ancien combattant de la milice Wagner
C'est l'histoire d'une fuite à pied sous la neige, à la frontière entre la Russie et la Norvège. Un homme raconte être parvenu à franchir la clôture de barbelés séparant les deux pays, jeudi 12 janvier. Ce citoyen russe affirme qu'il se nomme Andrei Medvedev, dans une vidéo diffusée dimanche sur le site Gulagu.net, spécialisé dans les conditions carcérales russes. Le jeune homme explique avoir dirigé une unité du groupe paramilitaire Wagner, avant de quitter les mercenaires à la fin de son contrat de quatre mois, signé en juillet.
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Pendant plusieurs minutes, cet homme livre un récit rocambolesque de sa folle évasion, menée de nuit, près de la ville russe de Nikel. Il prétend avoir été poursuivi par les forces de sécurité russes, qui remontaient ses empreintes : "J'ai entendu deux coups de feu, les balles ont sifflé. J'ai brisé mon téléphone et l'ai jeté dans la forêt." Le fugitif dit ensuite avoir traversé à pied la rivière Pasvik, couverte de glace, tandis qu'un chien était lâché à ses trousses. "La couche [de glace] était assez mince, et elle s'est même étoilée" lors de la traversée, poursuit-il.
Arrivé sur l'autre rive, il s'est ensuite dirigé vers la maison d'un particulier pour réclamer de l'aide, avant d'être arrêté par les gardes-frontières et la police norvégiennes. Il a alors été transféré dans un centre de détention, ailleurs dans le pays – une procédure habituelle pour les demandeurs d'asile.
Ce dénommé Andrei Medvedev, 25 ans, qui aurait dirigé une escouade de Wagner, de quinze hommes environ, affirme détenir des informations sur une dizaine d'exécutions sommaires de mercenaires par leur propre groupe, car ils refusaient de participer aux combats. Contacté par le média indépendant russe The Insider, il explique avoir été le témoin direct de certaines d'entre elles. Il ajoute également détenir une vidéo montrant la mise à mort de deux combattants réfractaires à Alchevsk, dans la région ukrainienne de Louhansk. Ce qui est invérifiable en l'état.
Le souhait de collaborer avec la justice
Cet homme entré illégalement en Norvège, désormais, se dit prêt à collaborer avec la police norvégienne et la justice internationale, affirme à franceinfo Vladimir Ossetchkine, fondateur du site gulagu.net. Le militant déclare être en contact avec le fuyard depuis début décembre, après avoir été contacté par un ami du mercenaire. Andrei Medvedev aurait signifié son refus de renouveler son contrat de quatre mois, expiré le 6 novembre, provoquant la colère du commandement paramilitaire. "Il y a une règle chez les mercenaires : on ne quitte pas Wagner", à moins d'être blessé ou tué. " Il craignait donc pour sa vie."
Selon ce témoignage, l'ex-mercenaire serait ensuite parvenu à rentrer en Russie. Sans ses documents, toutefois, confisqués à son arrivée au front par le groupe privé. Vladimir Ossetchkine affirme également disposer de messages audios du combattant, adressés depuis le Donbass à son ami. Il évoque chez l'ancien mercenaire des séquelles psychologiques liées à son expérience au front, conséquences "du stress de la mort". Andrei Medvedev aurait d'abord songé à rejoindre la Géorgie et la Finlande, sans joindre les actes à la parole.
Cet homme, s'il dit vrai, avait de bonnes raisons de fuir la Russie. Au sein du groupe Wagner, le refus de combattre, la désertion et tout autre mouvement d'humeur sont sévèrement punis. Mi-novembre, des comptes Telegram proches de Wagner ont ainsi diffusé des images montrant l'exécution sommaire d'un homme, tué à coups de masse dans le crâne. Ce mercenaire, dénommé Evguéni Noujine, était accusé de s'être rendu aux forces ukrainiennes, avant d'être repris par les Russes.
Andrei Medvedev, justement, affirme que le combattant exécuté faisait partie de son unité, sans préciser toutefois s'il était encore en poste au moment de cette exécution.
Son identité pas encore confirmée par Oslo
Franceinfo, par ailleurs, a pu consulter une photocopie de la carte d'identité d'un dénommé Andrei Medvedev, né dans la région de Tomsk, dont les traits, sur la photographie, ressemblent en effet à ceux de l'homme présent dans la vidéo de gulagu.net. Sans pouvoir établir avec certitude la correspondance. Des clichés de 2015 le présentent prétendument dans le Donbass, au sein de l'armée régulière.
A ce stade, aucune source officielle norvégienne ne confirme encore son identité. La police du district de Finnmark, dans un communiqué (en norvégien), précise simplement qu'un homme s'est rendu au domicile d'un particulier, où il aurait demandé de l'aide. Ce ressortissant étranger a ensuite été interpellé par une patrouille, avant de demander l'asile. "Nous avons également été avertis par les gardes-frontières russes de traces suggérant un franchissement illégal de la frontière", précise la police locale.
Contacté par le média NRK (en norvégien), le premier avocat de cet homme, Jens Bernard Herstad, n'a livré aucun détail sur les circonstances de son arrivée en Norvège. Il n'a pas, non plus, confirmé l'éventuelle appartenance de son client au groupe Wagner. Son nouvel avocat, Brynjulf Risnes, explique à franceinfo que son client, Andrei Medvedev, est aujourd'hui "extrêmement fatigué". Il ajoute que les vérifications sont toujours en cours, mais que d'autres documents semblent prouver son identité, même s'il ne dispose plus de passeport.
Le leader de Wagner, Evguéni Prigojine, a déjà réagi, via son service de presse. Il affirme qu'Andrei Medvedev a bien combattu au sein de son groupe, ironisant sur l'existence d'une prétendue division norvégienne nommée Nídhögg. Plus sérieusement, Andrei Medvedev est qualifié de "dangereux" et Wagner l'accuse d'avoir tenté de maltraiter des prisonniers, et tenté de le retrouver.
Les services de renseignement, cités par le média norvégien NRK, devront notamment statuer sur d'éventuelles poursuites pénales en Norvège, si cet homme a réellement participé au conflit au sein du groupe de mercenaires. Interrogé sur de possibles poursuites pénales, en raison du rôle de son client au sein de Wagner, l'avocat répond que les "questions de sécurité sont très importantes" et comprend que son client fasse l'objets d'auditions poussées. A ce stade, aucun soupçon ne porte sur une éventuelle complicité de crime de guerre, selon lui.
Le commissaire aux Frontières norvégien, Jens-Arne Hoilund, enfin, s'est entretenu avec son homologue russe après l'incident, affirme NRK. Il s'agit de la procédure classique en pareil cas, en vertu d'un accord frontalier signé en 1949 entre les deux pays.
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