La pilote ukrainienne Nadia Savtchenko condamnée à 22 ans de prison par la justice russe
Elle a été reconnue coupable de complicité dans le meurtre de deux journalistes russes, dans l'est de l'Ukraine, en juin 2014, mais a toujours nié les faits. L'Ukraine dénonce un procès politique.
La pilote ukrainienne Nadia Savtchenko a été condamnée, mardi 22 mars, à 22 ans de prison par la justice russe. Elle a été reconnue coupable de complicité dans le meurtre de deux journalistes russes, tués en juin 2014 dans l'est de l'Ukraine. Nadia Savtchenko a également été condamnée à une amende de 30 000 roubles (390 euros) pour avoir "traversé illégalement la frontière avec la Russie". Son avenir repose désormais sur la capacité de Kiev à négocier avec Moscou un possible échange avec des détenus russes en Ukraine.
Qui est Nadia Savtchenko ?
Pendant la lecture du verdict, Nadia Savtchenko a entonné un chant traditionnel, couvrant la voix du juge qui la déclarait coupable. Depuis le début de son procès, six mois plus tôt, elle est progressivement devenue la "Jeanne d'Arc" de l'Ukraine. Un doigt d'honneur public à Vladimir Poutine et deux grèves de la faim ont fait de cette pilote d'hélicoptère de 34 ans une icône de la résistance pour les Ukrainiens.
Originaire de Kiev, la jeune femme avait participé au soulèvement de Maïdan contre le président Viktor Ianoukovitch. Après l’annexion de la Crimée et le début de la guerre dans l’est du pays, elle a quitté l’armée et rejoint le bataillon Aïdar, une unité paramilitaire régulièrement accusée d'exactions contre des civils. Pendant son incarcération, Nadia Savtchenko a même été élue symboliquement députée, sur la liste de Ioulia Timochenko, ancienne Première ministre ukrainienne.
En Russie, au contraire, Nadia Savtchenko est perçue comme une meurtrière. Au point que le leader d’extrême droite, Vladimir Jirinovski, réclame "qu’on la fusille ou qu’on la pende", rappelle Libération. Accusée d’être une néonazie, elle a aussi été victime de campagnes de presse très dures et qualifiée dans certains magazines de "fille de Satan", selon Le Monde.
De quoi était-elle accusée ?
Le gouvernement russe accuse la pilote d'être responsable de la mort de deux journalistes de la radio-télévision publique, Igor Korneliouk et Anton Volochine, tués par un tir de mortier près de la ville de Metalist, dans la région de Louhansk, le 17 juin 2014. Selon l’accusation, c’est elle qui a fourni les coordonnées pour localiser les deux hommes à l’armée ukrainienne.
Nadia Savtchenko assure avoir été capturée ce même jour, par des rebelles, dans les environs de Louhansk, avant d'être transférée en Russie, en juillet. Selon ses avocats, elle a d'ailleurs été enlevée avant la mort des deux journalistes. Ils assurent que ses relevés téléphoniques le prouvent.
De son côté, Moscou affirme que la pilote a été arrêtée en territoire russe. Elle aurait tenté de traverser illégalement la frontière, peu après la mort des deux journalistes russes, en se faisant passer pour une réfugiée.
Qu'est-ce qui l'attend à présent ?
La pilote pourrait être incarcérée dans une colonie pénitentiaire en Sibérie, au moins jusqu'à un éventuel échange entre Moscou et Kiev. Le président ukrainien Petro Porochenko avait promis de faire "tout son possible" pour ramener chez elle Nadia Savtchenko, emprisonnée depuis 21 mois, évoquant un éventuel échange de prisonniers avec Moscou. "Je suis prêt à transférer en Russie deux militaires russes détenus sur notre territoire pour leur participation à l'agression militaire contre l'Ukraine", a déclaré Petro Porochenko, peu après la condamnation de Nadia Savtchenko.
Celle qui est devenue le symbole de l'Ukraine dressée face à la Russie "refuse catégoriquement de faire appel de sa condamnation et ne croit pas en la justice russe", affirme son avocat, Mark Feïguine. "Soit je rentre en Ukraine, soit je meurs en prison. Ils peuvent y aller eux-mêmes en Sibérie, les salopards", avait déclaré lundi l'accusée. Son avocat a néanmoins annoncé avoir "commencé une série de procédures internationales pour sa libération", dont une auprès du rapporteur de l'ONU pour les droits de l'homme.
Mark Feïguine, qui avait déjà défendu le groupe militant Pussy Riot, a appelé immédiatement sur Twitter à organiser des "manifestations pacifiques" pour protester contre un "verdict criminel".
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