Ukraine : vaine tentative de négociations entre le pouvoir et l'opposition
Les opposants se sont rendus à une table ronde avec le président Ianoukovitch. Ils en sont sortis en dénonçant un "simulacre" de pourparlers. La crise politique continue.
Pour la première fois en trois semaines de contestation en Ukraine, le gouvernement pro-russe et l'opposition pro-européenne ont accepté de se rencontrer. Ils se sont assis autour d'une table pour négocier une sortie de crise, vendredi 13 décembre.
Cette table ronde était organisée par l'ex-président Leonid Kravtchouk. Il était déjà à l'origine d'une tentative de médiation, il y a une semaine, avec deux autres anciens chefs de l'Etat, Viktor Iouchtchenko et Leonid Koutchma. Retour sur cette journée de négociations.
Le président fait mine de lâcher du lest
Avant la rencontre, Viktor Ianoukovitch a fait un geste d'apaisement. Il a fait savoir qu'il allait proposer "une amnistie" pour les manifestants arrêtés. Puis en ouvrant la réunion, il a émis le vœu de "trouver une voie qui donnerait l'espoir aux Ukrainiens" que leurs responsables politiques sont "capables de surmonter de telles crises".
Le chef de l'Etat a tenté d'adopter une position de neutralité face aux violences qui ont émaillé les manifestations. Il s'est dit "scandalisé par les actions radicales qui se sont produites sur 'Maïdan' [la place de l'Indépendance, dans le centre de Kiev, point central de la contestation], tant de la part de provocateurs que des forces de l'ordre qui ne se sont pas comportées de manière correcte."
Mais, hormis cet apparent geste de conciliation, le chef de l'Etat n'a pas fait de concessions véritables. Il n'a rien dit sur le sort de son Premier ministre, Mikola Azarov, dont l'opposition réclame le départ.
Et sur le fond, il a de nouveau défendu sa décision de ne pas signer l'accord d'association qui était en cours de négociation depuis des mois avec l'Union européenne. Cette volte-face, à l'origine de la mobilisation, était nécessaire, a-t-il dit, du fait de l'état de l'économie ukrainienne qui, plaide-t-il, ne peut être relancée sans un "rétablissement de relations commerciales normales avec la Russie".
L'opposition campe sur ses positions
Après une hésitation dans la journée, les trois dirigeants de l'opposition ont accepté de se rendre à la table ronde. L'objectif de Vitali Klitschko, d'Arseni Iatseniouk (un responsable du parti La patrie de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko) et du nationaliste Oleg Tiagnybok : présenter leurs exigences et entendre les "réponses" du gouvernement. L'opposition réclame la démission du gouvernement et le retour à la signature d'un accord d'association avec l'UE brutalement suspendue fin novembre.
Vitali Klitschko, ex-champion de boxe, candidat déclaré à la présidence du pays, s'est fait accusateur. "Vous portez la responsabilité personnelle de ce qui se passe dans le pays", a-t-il lancé au président en préambule. Et il l'a mis en garde contre toute répression policière. A sa sortie, Vitali Klitschko a conclu à un constat d'échec. "Le pouvoir n'a pris en compte aucune de nos exigences. Cette table ronde n'est qu'un simulacre", a-t-il lâché.
Et, galvanisée par l'échec infligé à un assaut policier mercredi, lorsque les troupes ont fini par se retirer après l'afflux de milliers de personnes, et par le soutien de représentants de l'UE et des Etats-Unis, l'opposition a appelé à des manifestations massives dimanche à midi, à Kiev.
Un soutien de poids rejoint le camp des opposants
L'oligarque le plus riche d'Ukraine, Rinat Akhmetov, a pris la défense des manifestants pro-européens. Il a, dans le même temps, pris ses distances avec le président Viktor Ianoukovitch. Un signe de possibles renversements d'alliances dans ce pays aux influents clans financiers. Le très influent magnat, dont l'empire va de la métallurgie aux médias en passant par le football, est sorti de son silence dans un communiqué.
"Le fait que des gens pacifiques descendent dans la rue pour des manifestations pacifiques montre que l'Ukraine est un pays libre et démocratique", écrit le milliardaire. "Mais le fait que des gens aient souffert est inacceptable", a ajouté l'homme d'affaires. Même s'il se garde de soutenir les revendications des manifestants, sa prise de position a été très remarquée, vu sa proximité avec le pouvoir.
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