Cet article date de plus d'un an.

Loi martiale dans les territoires annexés d'Ukraine : "La Russie cherche un mode opératoire efficace pour s'inscrire dans la durée", estime un spécialiste

Vladimir Poutine a ordonné mercredi l'instauration de la loi martiale dans les quatre territoires ukrainiens de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia annexés en septembre par Moscou.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le président russe Vladimir Poutine lors d'une réunion à la résidence d'État de Novo-Ogaryovo, près de Moscou, le 19 octobre 2022. (SERGEI ILYIN / SPUTNIK)

"Les Russes cherchent un mode opératoire plus efficace pour s'inscrire dans la durée", affirme, mercredi 19 octobre sur franceinfo, Alexis Vahlas, ancien conseiller politique d'opération militaires et civiles de l'Otan et de l'UE et responsable du parcours sécurité de l'Europe et stabilité internationale à Sciences Po Strasbourg.

>> Suivez les dernières actualités de la guerre en Ukraine dans notre direct

La Russie a instauré la loi martiale dans les territoires annexés d'Ukraine et commencer l'évacuation de civils dans la ville de Kherson. Pour Alexis Vahlas, cette loi martiale c'est aussi une façon pour la Russie "de reprendre l'initiative sur le terrain médiatique".

franceinfo : Que faut-il attendre de cette loi martiale ?

Alexis Vahlas : Il est probable que les trois effets recherchés soient d'abord de dissuader les actes de résistance et de désertion dans les forces armées et au sein des populations civiles où peut-être des personnes attendent la contre-offensive ukrainienne et seraient tentées de la faciliter. Les Russes cherchent aussi un mode opératoire plus efficace pour s'inscrire dans la durée donc on accentue la concentration des pouvoirs et le passage partiel à une économie de guerre. Enfin, ça permet de reprendre l'initiative sur le terrain médiatique, qu'on ne parle simplement du fiasco de la mobilisation et de l'évacuation de Kherson. C'est donc bien pensé du point de vue russe pour essayer de faire évoluer le rapport de force et de se réorganiser.

Que faut-il penser de cette évacuation de la population dans la ville de Kherson par l'armée russe, est-ce que la population est évacuée de force ?

Je pense que pour l'essentiel il s'agit d'une évacuation, de laisser aux civils qui le souhaitent la possibilité de partir parce que la situation est mal engagée pour la partie russe à Kherson. La progression de l'armée ukrainienne est lente mais il ne s'agit pas de faire reculer les Russes mais bien d'encercler et d'essayer de capturer le maximum de soldats. Si les combats durent, la population civile va souffrir et l'opinion publique russe serait peut-être défavorablement sensible à des images terribles de population civile pro-russe abandonnée à Kherson donc on laisse aux civils la possibilité de sortir.

Les récentes attaques russes ont pour but de priver d'électricité, d'eau, de chauffage les Ukrainiens ce qui fait dire à Joe Biden que le seul outil qui reste à la disposition de Vladimir Poutine c'est de faire souffrir le peuple ukrainien, qu'en pensez-vous ?

D'un point de vue juridique, il peut y avoir des erreurs. Même le droit international humanitaire permet de prendre le risque de tuer des populations civiles si vous visez une infrastructure militaire. La situation est donc compliquée d'un point de vue juridique. Mais quand autant d'infrastructures civiles sont touchées alors le doute n'est plus permis. D'un point de vue juridique ça renforce l'idée que la Russie pourrait être reconnue un jour responsable de crimes contre l'humanité et d'un point de vue politique, ça tue l'argument russe concernant sa volonté de sauver des populations qui n'attendent que la Russie puisqu'en réalité maintenant Moscou veut affaiblir le pouvoir ukrainien en faisant souffrir sa population en plein hiver.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.