Massacre de civils à Boutcha : Amnesty International France veut "prendre le temps" de "vérifier ces informations" et "déterminer" les responsabilités
Moscou est accusé d'avoir tué des centaines d'habitants, à Boutcha, près de Kiev, en Ukraine, découverts dans les rues et des fosses communes.
Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty international France, estime sur franceinfo lundi 4 avril qu'il "faut établir les faits sur le fait qu'il y ait des éléments constitutifs de crimes de guerre" à Boutcha, près de Kiev en Ukraine, où la Russie est accusée d'avoir massacré des civils. Alors que le pouvoir ukrainien accuse Moscou d'avoir tué des centaines d'habitants, découverts dans les rues et des fosses communes, le Kremlin rejette "catégoriquement" toute responsabilité.
franceinfo : Y a-t-il un doute sur des "crimes de guerre" ?
Cécile Coudriou : Plus que jamais, nous avons énormément d'informations, d'images, de vidéos, de témoignages littéralement en direct. C'est quelque chose qui doit aussi nous appeler à la patience et à la prudence. Nous avons pu déjà vérifier bien des informations grâce à nos moyens numériques pour authentifier des vidéos, des photos et également des témoignages. Quant aux crimes de guerre, concernant des frappes aériennes sur des civils ou l'utilisation d'armes interdites comme les bombes à sous munitions, dans le cas de Boutcha, nos équipes sont au travail et nous cherchons à être le plus réactif possible. Nous appelons en même temps toutes les personnes qui sont bien sûr les yeux rivés sur ce qui se passe en Ukraine à faire aussi attention. Nous allons prendre le temps pour pouvoir nous aussi vérifier ces informations. Nous avons recueilli des témoignages. Il est important de pouvoir les croiser, être certain que toutes ces informations sont absolument indéniables.
Quelles preuves pouvez-vous réunir ?
Il faut établir les faits sur le fait qu'il y ait des éléments constitutifs de crimes de guerre. C'est une étape extrêmement importante et nous contribuons activement sur le terrain et à distance. Ensuite, pour établir les responsabilités, c'est extrêmement compliqué. C'est pourquoi nous ne devons absolument pas faire d'erreur et être extrêmement précis, minutieux dans cette enquête. Nous voulons alimenter l'enquête de la Cour pénale internationale, il faut donc être certain que tous ces éléments pourront par la suite être utilisés par la justice sans jamais pouvoir être remis en cause. Quand nous voyons à quel point la Russie, notamment Vladimir Poutine, sont passés maîtres dans l'art de la propagande, dans l'art d'essayer de mettre les choses à l'envers, en voulant par exemple faire appel au Conseil de sécurité quand ils sont accusés de crimes de guerre, c'est extrêmement compliqué. Et c'est pourquoi, plus que jamais, il est important d'avoir des chercheurs spécialistes et de prendre malgré tout le temps de vérifier toutes ces informations qui sont absolument atroces.
La Russie parle de mise en scène : comment établir les responsabilités ?
Même s'il y a des faits avérés, il est très compliqué de pouvoir être certain que c'est bien l'armée russe, et pas par exemple des milices comme les milices de Wagner encore plus difficiles à tracer. Ça peut être des situations extrêmement complexes à déterminer en termes de responsabilités. C'est pourquoi nous prenons à chaque fois le temps et que nous établissons des rapports. Par exemple, quand nous avons déterminé l'utilisation de bombes à sous munitions, cela a été prouvé à la fois par des images numériques et ensuite par des chercheurs spécialistes en armement sur le terrain. Nous sommes absolument formels, nous avons pu établir de manière indépendante et tout à fait certaine l'utilisation de bombes à sous munitions, ce qui est contraire au droit international, et ce qui constitue aussi un crime de guerre.
Les images de Boutcha sont-elles une surprise pour vous ?
Malheureusement, non. Nous avons quand même tendance, a priori, à se dire que c'est une confirmation de cette escalade que nous avons déjà pu documenter, notamment en Syrie, en Tchétchénie, en particulier à Grozny. Après des bombardements et l'utilisation d'armes de manière extrêmement massive sur les civils, il y a eu des exactions absolument atroces. C'est pourquoi nous sommes particulièrement inquiets pour les civils. C'est pourquoi nous voulons à tout prix pouvoir déterminer les faits parce qu'il faut que toutes ces victimes puissent obtenir justice par la suite. Il y a malheureusement des précédents qui montrent que les guerres menées par Vladimir Poutine ont toujours été des guerres particulièrement sales où le cynisme n'a eu d'égal que les mensonges permanents. Nous sommes extrêmement vigilants pour pouvoir mettre un terme le plus vite possible à cette guerre, en contribuant aussi à faire pression sur la communauté internationale pour qu'elle poursuive ses pourparlers, et dans le même temps, poursuivre nos efforts d'enquête pour aider la Cour pénale internationale.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.