Cet article date de plus de deux ans.

Mobilisation en Russie : "On est dans quelque chose de très inédit", analyse une spécialiste de la Russie

Jamais la Russie n'avait décrété la mobilisation jusqu'à maintenant, explique Anna Colin Lebedev, maître de conférence en science politique à l’université Paris-Nanterre. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Vladimir Poutine a annoncé la mobilisation partielle en Russie dans une nouvelle allocution à la télévision, mercredi 21 septembre.  (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Vladimir Poutine vient d'annoncer la "mobilisation partielle" en Russie dans une nouvelle allocution à la télévision. Pour Anna Colin Lebedev, maître de conférence en science politique à l’université Paris-Nanterre, spécialiste des sociétés post-soviétiques, interrogée mercredi 21 septembre sur franceinfo, "on est effectivement dans quelque chose de très inédit". Pour elle il s'agit "d'un revirement et pas dans le sens de la pacification". De son côté, la diplomatie américaine juge que cette annonce du président russe est un "aveu d'échec de son invasion".

>> Suivez notre direct sur la guerre en Ukraine

franceinfo : Que faut-il voir dans le nouveau discours de Vladimir Poutine ?

Anna Colin Lebedev : On est dans quelque chose de très inédit. Il faut rappeler que l'Etat russe indépendant, le successeur de l'Union soviétique, n'avait jamais décrété de mobilisation jusqu'à maintenant. Ça avait été quelque chose d’extrêmement théorique et donc ça marque clairement un revirement et pas un revirement dans le sens d'une pacification.

Est-ce que la mobilisation générale aurait été une rupture du contrat passé avec la population russe ?

En réalité, il y avait plusieurs options qui avaient été testées par le pouvoir russe pour accroître le nombre de ses combattants sur le terrain, et notamment l'engagement de combattants volontaires qui n'avaient manifestement pas marché. Les Russes ne sont pas prêts forcément à s'engager volontairement pour aller combattre en Ukraine. La mobilisation générale était un risque énorme pour l'Etat russe. Mais aussi la mobilisation générale mobiliserait un nombre de personnes que l'armée ne serait pas capable de former. D'ailleurs, il n'est pas certain que les objectifs annoncés de 300 000 personnes mobilisées seront faciles à loger, équiper, habiller et former dans le contexte de cette guerre. A mon sens, c'est déjà très ambitieux.

"Une mobilisation générale aurait été suicidaire, mais cette mobilisation partielle est un test. Le plus grand test en réalité possible de la solidité du pouvoir russe."

Anna Colin-Lebedev, spécialiste de la Russie

à franceinfo

Quelle perception, après sept mois de guerre, la population russe a de ce conflit ukrainien ?

Jusqu'à maintenant le pouvoir russe s'est attaché à minimiser cette guerre dans les préoccupations des Russes ordinaires, et notamment des Russes urbains et des grandes villes, avec l'idée qu'il ne se passait pas grand-chose. Et le fait qu'on était dans le cadre d'une opération militaire spéciale conduite par une armée professionnelle.

Je dirais que là, on a effectivement un renversement de l'image et la guerre va arriver potentiellement dans les foyers de beaucoup de Russes. Pas de tous les Russes, bien évidemment. En précisant que la mobilisation concernerait ceux qui ont fait leur service militaire, on tape toujours dans la même catégorie : les personnes issues des milieux sociaux plutôt les plus modestes, plutôt des régions les plus reculées du pays. En tout cas, pas pour l'instant.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.