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Penser l'Ukraine d'après la guerre : “La reconstruction va nécessiter des dizaines de milliards d’euros”, selon un économiste ukrainien

La Russie a déclenché les hostilités le 24 février 2022. Un an et demi plus tard, alors que les combats se poursuivent, franceinfo vous présente celles et ceux qui imaginent l'Ukraine de l'après-guerre. Kukhar Mykhailo, économiste au centre de recherche Ukraine Economic Outlook et professeur de macroéconomie à l’école de commerce MIM-Kyiv, se projette sur les grands défis de reconstruction qui attendent le pays.
Article rédigé par franceinfo, Dominique André - Anna Ognyanyk
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Penser l'Ukraine d'après la guerre : le coût de la reconstruction avec Kukhar Mykhailo. (DR / GRAPHISME STEPHANIE BERLU)

Dix-huit mois après le début de la guerre déclenchée par Vladimir Poutine , les dégâts en Ukraine sont considérables. U sines, infrastructures énergétiques détruites, exploitations agricoles minées, exil de plusieurs millions d’exilés à l’étranger. Selon la ministre de l’ Économie Ioulia Sviridenko , le PIB s’est contracté de 30,4 % en 2022.   Plusieurs conférences internationales ont déjà été consacrées à la reconstruction de l’Ukraine.

>> Guerre en Ukraine : comment le pays prépare sa reconstruction malgré les bombes qui pleuvent encore

Au total, "l ’aide de l’Union européenne s’élève à 49 milliards d’euros" , faisant de l’UE "le premier soutien à l’Ukraine" , a déclaré son haut représentant, Josep Borrell début février 2023. Le 21 juin, à Londres, les États-Unis ont ainsi annoncé 1,2 milliard d’euros d’aide supplémentaire à Kiev, dont un peu moins de la moitié seront consacrés à la modernisation des chemins de fer, des ports, des frontières et de toutes les infrastructures essentielles. Kiev peut aussi compter sur un secteur privé innovant et engagé.

franceinfo : Le coût de la guerre est exorbitant pour l’Ukraine. Avez-vous pu le calculer ?  

Kukhar Mykhailo : En dehors du gouvernement, qui fait évidemment ce calcul, des groupes d’experts travaillent sur ce sujet. Dans notre centre de recherches, nous évaluons les pertes en termes de PIB, ainsi que pour les sociétés et la population. Selon nos calculs, les pertes aujourd’hui s’élèvent à 600 milliards d’euros.  

De son côté, MIM-Kyiv répertorie les pertes matérielles, les bâtiments détruits et les entreprises endommagées. Selon ses évaluations, les dégâts ont déjà coûté 160 milliards d’euros. Du fait des destructions, l’Ukraine a perdu 70 % de sa production métallurgique et 40 % de son secteur agraire. Il faut bien avoir en tête que la guerre se déroule sur un territoire très large, la ligne de front dépassant les 1 000 kilomètres.

Lorsque vous faites ces évaluations, vous vous placez aussi dans la perspective du dédommagement ?

Pour le moment, on sait que plus 300 milliards d’euros des réserves de la Banque centrale de Russie ont été saisis, en vue d’un dédommagement futur de cette agression militaire. Au-delà, 211 milliards d’euros ont été saisis sur les comptes de sociétés russes dans l’Union européenne.  

La Cour pénale internationale, à La Haye, aux Pays-Bas, a ouvert une enquête criminelle qui va statuer sur tous ces dédommagements. La conférence sur la reconstruction qui s’est tenue l’année dernière à Lugano, en Suisse, a voté la création d’un compte commun auprès du Fonds monétaire international. Il permettra, sous le contrôle des créanciers internationaux, de recueillir les fonds destinés à payer les dédommagements de l’Ukraine.  

Vous faites référence à la conférence de Lugano. Qu’attendez-vous précisément de ces rendez-vous internationaux ?  

Plusieurs grandes conférences dédiées à l’Ukraine ont déjà eu lieu, en Suisse, au Royaume-Uni, en France. À chaque fois, il y est question du financement de la reconstruction. Les destructions matérielles des bâtiments, des entreprises et de l’infrastructure énergétique sont sans précédent. Les frappes contre l’infrastructure énergétique ont provoqué une baisse de la production d’électricité en Ukraine, qui ne dépasse plus 65 % de ses niveaux d’avant-guerre.

Est-ce que vous avez une idée du temps que va prendre la reconstruction de l’Ukraine ?  

Grâce à l’aide de l’Union européenne, qui a livré des transformateurs, et aux entreprises énergétiques publiques ukrainiennes telles qu’EnergoAtom ou UkrEnergo, le pays a pu réparer une partie des dégâts dans les infrastructures énergétiques. Actuellement, il n’y a plus de coupures d’électricité pour la population. C’est déjà un progrès énorme.  

Mais j’ignore à quelle vitesse on pourra restaurer intégralement le système énergétique de notre pays pour atteindre le niveau d’avant-guerre. Il est clair que cela va nécessiter des dizaines de milliards d’euros d’investissement. 

L’occasion de repenser une énergie plus propre et plus durable ?  

C’est une question essentielle. Le solaire et l’éolien ont représenté jusqu’à 10 % du mix énergétique un an avant la guerre. Ce qui nous aide beaucoup maintenant, puisque cette infrastructure est dispersée à travers l’Ukraine.  

"Cinq ans avant la guerre, l’Ukraine avait des objectifs ambitieux en matière d’énergie verte."

Kukhar Mykhailo

à franceinfo

Notre Premier ministre a déclaré récemment que l’énergie verte resterait l’une des priorités de la reconstruction d’après-guerre. D’autres secteurs sont essentiels aussi, comme l’intelligence artificielle. Dans ce domaine, nous avons de puissants atouts. De jeunes entrepreneurs ukrainiens multiplient les exportations, qui ont augmenté de 500 millions d’euros en un an. 

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