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Penser l'Ukraine d'après la guerre : le grand chantier de l’agriculture

La Russie a déclenché les hostilités le 24 février 2022. Un an et demi plus tard, alors que les combats se poursuivent, franceinfo vous présente celles et ceux qui imaginent l'Ukraine de l'après-guerre. Avant la guerre, l’agriculture représentait presque 20 % du PIB, mais la destruction de terres arables a rebattu les cartes. Pour tout reconstruire, il faudra de l’argent, du temps et de l’imagination selon Ivan Slobodyanyk, président du Congrès national des agriculteurs.
Article rédigé par franceinfo, Dominique André - Anna Ognyanyk
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Penser l'Ukraine d'après la guerre : l'agriculture avec Ivan Slobodyanyk. (DR / GRAPHISME STEPHANIE BERLU)

Si tout le monde connaît maintenant le drapeau bicolore bleu et jaune de l’Ukraine, symbole de la résistance à l’envahisseur russe, plus rares sont ceux qui en connaissent la symbolique : le jaune représente l’or d’un champ de blé sous le ciel bleu ukrainien. En effet, l ’Ukraine est un grenier à blé aux portes de l’Europe. Avant l’invasion du 24 f évrier 2022, l’agriculture et le secteur agroalimentaire représentaient presque 20 % du PIB, et environ la moitié des exportations totales du pays.   

>> REPORTAGE. Guerre en Ukraine : leurs champs minés, les agriculteurs ukrainiens redoutent une deuxième année sans récolte

"La guerre est la première cause de nos malheurs", estime Ivan Slobodyanyk, président du Congrès national des agriculteurs. Avant 2022, l’Ukraine était le quatrième exportateur mondial de maïs. Sans l’invasion russe, le pays serait devenu le troisième exportateur de blé, explique cet homme très actif, né en 1981.

La récolte de céréales et d’oléagineux devrait atteindre 53 millions de tonnes en 2023, contre 65 millions en 2022, selon les estimations. En 2021, avant la guerre, 106 millions de tonnes avaient été produites. Dans tout le pays, la surface cultivée a donc été réduite d'un quart.

Des exportations perturbées

Certes, les autorités européennes indiquent qu' "au 1 er mai dernier, plus de 30 millions de tonnes de céréales et d’autres denrées alimentaires avaient été exportées grâce au corridor humanitaire maritime en mer Noire et aux corridors de solidarité". Le Programme alimentaire mondial de l’ONU, quant à lui, a transporté depuis un an plus de 625 000 tonnes de blé ukrainien à destination de l’Afrique et de l’Afghanistan. Pour autant, l’Union européenne souligne que la situation reste difficile et confirme que "les exportations de céréales ukrainiennes ont été gravement perturbées".

En Ukraine, ajoute Ivan Slobodyanyk, presque tout le secteur agricole a été touché par la baisse des exportations, ce que l’on peut constater encore aujourd’hui. " La période des semis cette année est marquée par l’insuffisance des ressources financières, ce qui a des conséquences sur les achats d’engrais et de matériels agricoles."

Sept millions d'hectares inexploitables

Même lorsque des territoires ukrainiens sont libérés, le travail pour les remettre en état est immense. À Kherson, dans le sud-est du pays, les agriculteurs ont dû déminer les champs criblés par les obus, les roquettes et les débris d’explosifs de l’armée russe. Selon le ministère de l’Agriculture, au moins 470 000 hectares seraient contaminés, sans parler des rivières et des nappes phréatiques.  

En tout, sept millions d’hectares sur les 30 millions d’hectares de terre arables ne sont pas exploitables pour l’agriculture, affirme Ivan Slobodyanyk, qui décrit les saccages dans les exploitations agricoles, la destruction des tracteurs, même les vols de fourchettes et de cuillères.  

"Après le passage de l’armée russe, il ne reste quasiment rien, c’est comme après une invasion de criquets, tout est dévasté."

Ivan Slobodyanyk

à franceinfo

Lors du dernier sommet du G20, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui apporte régulièrement son soutien à ce secteur essentiel de l’économie, a souligné l’importance de la protection immédiate de l’environnement.  

Revenir à une agriculture à taille humaine

L’autre priorité de demain, c’est le retour des agriculteurs dans les champs. Même s’il est difficile d’évaluer le nombre de mobilisés parmi eux. Les seules données connues les concernant sont celles du registre national, qui a enregistré environ 100 000 agriculteurs dans le pays.   

Ivan Slobodyanyk, qui se prépare pour l’heure de la reconstruction, milite pour une agriculture à dimension humaine avec des exploitations agricoles qui ne dépassent pas 1 000 hectares. Le modèle qu’il défend est celui de la diversité des territoires, des productions locales et artisanales, de la proximité. "Les grandes exploitations ont le droit d’exister mais moi, j’ai de la sympathie pour les petites."

C’est peut-être cet équilibre entre petits et grands que l’Ukraine devra trouver demain, tant l’approvisionnement en céréales ukrainiennes est essentiel pour la sécurité alimentaire mondiale.

 

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