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Reportage En Ukraine, le mouvement "Ruban jaune" organise via les réseaux la résistance dans les zones occupées par les Russes

Leurs deux fondateurs du mouvement "Ruban jaune", Taras et Ivan, ont reçu le prix Sakharov de l’Union européenne en décembre 2022. Franceinfo a rencontré l'un d'eux.
Article rédigé par Thibault Lefèvre
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Ivan, l'un des fondateurs du mouvement de résistance contre l'invasion russe dans les territoires ukrainiens occupés "Ruban jaune". (THIBAULT LEFEVRE / RADIOFRANCE)

Alors que Kiev prépare une contre-offensive, la Russie renforce ses défenses dans les régions qu’elle a conquises en Ukraine. Mais une résistance pacifique s’organise dans les territoires occupés. Des centaines d’Ukrainiens refusent de collaborer à Kherson, Melitopol, Lougansk, Donetsk, ou Marioupol. Toutes ces villes que l’armée ukrainienne espère libérer prochainement. Leurs actions sont coordonnées par un mouvement né à Kherson, dans le sud du pays, il y a un peu plus d’un an : Yellow Ribbon, ou "Ruban jaune". Leurs deux fondateurs, Taras et Ivan (ce sont des pseudonymes), ont reçu le prix Sakharov de l’Union européenne en décembre 2022. franceinfo a pu rencontrer l’un d’entre eux.

Depuis le mois dernier, 52 photos de sabliers jaune et bleu, peints sur les murs des territoires occupés ont été recensées sur les réseaux sociaux. L’idée vient d’Ivan. Jusqu’à la reprise de Kherson, en novembre, cet informaticien de 22 ans vivait lui aussi sous occupation russe. Depuis, il organise depuis Kiev le réseau de ceux qu’il appelle des "partisans". "Dans beaucoup de villes, les Russes ont inscrit un peu partout la lettre Z, explique-t-il. Avec un seul trait, vous pouvez fermer cette lettre, peindre ensuite la partie haute en bleu, puis le bas, en jaune. Le résultat, c’est un sablier qui symbolise le temps qu’il reste avant que les territoires ne soient libérés." Une initiative ingénieuse, peu coûteuse et surtout à la portée de tous.

Exemple de signes Z détournésaux couleurs de l'Ukraine en Crimée, à Simferopol, Sébastopol, Nova Kakhovka et Berdiansk. (YELLOW RIBBON)

Des actes de sabotage locaux

Aujourd’hui dans les cinq régions occupés, 70 000 résistants en tout partagent leurs informations via un forum de conversation sécurisé. Sur les 17 000 "partisans" actifs recensés, 12 000 se trouvent à Kherson et Zaporijjia, 3 000 en Crimée, et un millier dans le Donbass. Monsieur et Madame Tout-le-monde peuvent donc ainsi s’engager à leur échelle. "On peut parler d’actes de sabotage locaux, décrit Ivan. Si tu es garagiste, tu peux par exemple faire quelque chose pour dégrader le matériel, provoquer ainsi une situation dangereuse et tuer des Russes."

Ivan cite également la possibilité pour des enseignants dans les écoles, contraints de suivre les programmes russes, de continuer à enseigner des éléments du programme ukrainien. Ou encore la collecte d'informations sur les troupes russes. "Où ils dorment, où sont leurs QG... Nous vérifions, via nos activistes, via les renseignements en sources ouvertes [Open source intelligence, ou OSINT]. Et nous transmettons ces informations aux services secrets, aux forces armées ou, dans le cas de crimes de guerre, au procureur général d'Ukraine." Le mouvement lancé par Ivan et Taras a pris de l’ampleur en juin lorsque de premiers bombardements et actes de sabotage ont été organisés en Crimée. Après avoir commencé par nier son existence, les autorités pro-russes ont commencé à cibler le mouvement avec des vidéos de propagande en septembre dernier. Mais cela n'a fait que lui donner de la visibilité et son audience a encore augmenté.

39 membres ont été arrêtés

Il y a évidemment des risques. Dans une vidéo, on voit par exemple une femme contrainte d’avouer qu'elle a collé des posters jaune et bleu sur la devanture d’une boutique. Igor et son équipe essaient depuis de la libérer. "Elle pourrait être condamnée à sept ans de prison pour cela. On travaille pour lui permettre de s’échapper en Géorgie ou en Pologne en passant par la Russie. On sait comment corrompre les Russes. On lui a transféré 400 dollars sur un compte crypté et on espère que ça ira." 

Ivan lui-même a été arrêté à Kherson le 9 mai 2022 lors d’une manifestation avec 30 autres personnes. Il a ensuite été libéré et a décidé de quitte Kherson pour Kiev le 22 novembre, d'où il gère désormais le mouvement "Ruban jaune". Les échanges sur le réseau sont anonymes, basés sur les protocoles de chiffrage des communications les plus avancés, pourtant, 39 membres ont été arrêtés puis déplacées en Russie. Igor et les "Rubans jaunes" n’ont aucune nouvelle depuis des semaines.

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