: Reportage "Il ne connaît pas la vie normale" : Mark, cet enfant ukrainien de deux ans qui n'a connu que la guerre
Être né dans la guerre, n’avoir connu que ça. Les enfants ukrainiens nés autour du 24 février 2022 ont aujourd’hui deux ans. Comme Mark, ce petit garçon dont nous avions déjà rencontré Yulia, la maman, à Kiev. Elle habite désormais à une heure et demie de la capitale. "C'est la maison de mes parents. J’ai passé mon enfance ici", raconte-t-elle.
Revenir vivre là, chez son papa, à la campagne, est devenu évident au printemps dernier pour Yulia et sa famille, après trop de frayeurs à Kiev. "Les morceaux de missiles tombent partout. La nuit, quand on a quitté Kiev, un morceau de missile est tombé à 400 mètres de notre maison. Je n'en pouvais plus !" Yulia se sent ici en sécurité "parce que c'est une ville inutile, il n'y a pas de route stratégique, il n'y a rien, c'est au milieu de nulle part. Ça me plaît beaucoup. Quand j'étais jeune c'était mauvais [horrible], mais maintenant c'est le paradis."
"La Russie, c'est le cancer"
Penché sur un grand livre de géographie, son petit garçon, Mark, aura donc 2 ans le 28 février. "Lui, il ne connaît pas la vie normale. Toute sa vie, ces deux années, il les a passées en guerre." Yulia a décidé de parler à son garçon en ukrainien.
"Le russe, c'est une langue inutile. Il peut parler anglais, français, chinois, s'il le veut. Je ne veux pas qu’il parle russe du tout !"
Yulia, mère du petit Marksur franceinfo
Deux ans de guerre et, aujourd’hui plus que jamais, Yulia craint que son mari soit mobilisé au front. "Ça me fait peur, mais qu'est-ce qu'on peut faire ? Si on n'arrête pas les Russes, on va mourir, affirme-t-elle. C'est la guerre existentielle. C'est soit nous, soit eux. C'est notre faute à nous, les Ukrainiens. On voulait être amis avec le crocodile. Est-ce que c'est possible ? Oui, pendant cinq jours, mais le sixième jour, il va te manger. La Russie, c'est le cancer. Je ne vois pas la solution, ça n’existe pas. On va toujours faire la guerre."
Un possible exil au Canada
Imagine-t-elle que son petit garçon soit soldat un jour ? "Oui, j'imagine Mark lutter pour l'indépendance de l'Ukraine. Les enfants qui avaient par exemple 7 ans en 2014, quand la Russie a commencé son invasion, ils font la guerre aujourd'hui. Et c’est bien triste !"
De tout cela, aujourd’hui, Yulia préserve son petit garçon qui s’impatiente, puis se calme en musique. Un jour, peut-être, dit-elle, sa famille quittera l’Ukraine pour offrir une autre vie à Mark, pourquoi pas au Canada. "Je veux que mon fils ait un passeport d’un pays qui n'a pas de voisin ou juste un seul. Comme ça, si on a des soucis, on en a qu'avec un seul voisin. J'aurais préféré l'Australie, mais mon mari a peur des araignées", regrette-t-elle. "Je veux que mon fils ait cette possibilité de ne pas vivre avec des Russes." Et en attendant ce jour, cet enfant de la guerre écoute inlassablement, sur les genoux de son grand-père, le folklore ukrainien.
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