: Reportage "Ils vont chez les gens avec des hommes armés" : dans les zones occupées, les Ukrainiens sont "invités" à voter pour la présidentielle russe
Trois jours de vote et un résultat connu d'avance. Jusqu'au dimanche 17 mars, la Russie vote pour offrir à Vladimir Poutine un cinquième mandat au Kremlin. Le candidat est face à trois autres candidats, tous favorables à la guerre contre l'Ukraine qui ne représentent aucun danger pour le leader russe. L'un des enjeux de ce scrutin se trouve surtout à des milliers de kilomètres de Moscou : il se déroule aussi en Crimée et au Donbass, ces territoires ukrainiens annexés depuis dix ans ou occupés depuis deux ans, comme les régions de Kherson et Zaporijjia. Là-bas, le vote est organisé en violation complète du droit international.
Dans les territoires occupés du sud de l'Ukraine, la mascarade démocratique de la présidentielle russe a commencé, fin février, assure Oleksandr Tolokonnikov. Il est le représentant de la région de Kherson, dont plus de la moitié est occupée la Russie. "Les Russes sont arrivés au centre des villages, explique Oleksandr Tolokonikov. Ils ont installé les urnes, ils ont fait voter les collabos, les fonctionnaires et les retraités. Le deuxième jour, il n'y avait plus personne. Alors ils ont pris les urnes et ont commencé à aller chez les gens accompagnés par des hommes armés. Ils entraient dans chaque maison et proposaient aux gens de voter."
Une illusion de démocratie
Proposer, le mot est faible, sous la pression d'une arme à feu. Les autorités ukrainiennes de la région de Kherson font passer des messages rassurants, aux habitants des zones occupées.
"Ce ne sera pas considéré comme une trahison si vous êtes forcés par les armes à voter. On comprend bien que la priorité, c'est de sauver votre peau."
Oleksandr Tolokonikov, représentant de la région de Khersonà franceinfo
Dans les services du renseignement militaire ukrainien, on suit aussi de très près ce qui se déroule dans les territoires occupés. Andriy Tcherniak y décrit une illusion de démocratie mise en scène par Moscou pour faire croire au reste de la population russe que les habitants des régions ukrainiennes soutiennent l'occupation et la guerre menées par Vladimir Poutine. "Le Kremlin a donné l'ordre que le scrutin se termine sur un score de 75 à 80% des voix en faveur de Poutine. On sait aussi que les collabos ukrainiens ont décidé d'aller au-delà de ce score et de faire en sorte que le soutien à Poutine atteigne 85 à 90%."
La semaine dernière, une responsable locale de la ville de Berdiansk, en charge d'organiser l'élection présidentielle, a été tuée dans l'explosion de sa voiture piégée. Un attentat, salué par le renseignement militaire ukrainien qui l'attribue à des groupes de résistance ukrainiens.
"Malgré la présence de milliers de gardes nationaux et d'autres forces de sécurité russes, et le fait que les gens sont obligés de se dénoncer les uns les autres. Malgré tout cela, la résistance reste active et il est possible qu'elle passe à l'action pendant l'élection."
Andriy Tcherniak, porte-parole du renseignement militaire ukrainienà franceinfo
Cette élection, pour les occupants russes, c'est surtout une manière de mettre encore plus la pression sur les citoyens ukrainiens qui refusent toujours de prendre un passeport russe. Un décret du Kremlin prévoit qu'au 1er juillet, ceux-ci seront considérés comme des apatrides, et pourront être déportés loin de chez eux.
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