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Sommet de l'Otan : la Chine et son influence pour la première fois dans le viseur de l'alliance Atlantique

Si les regards étaient largement tournés vers Kiev et Moscou, le sommet de l'Otan à Madrid n'a pas épargné Pékin. Son influence est officiellement dans le viseur de l’Otan. Et c’est une première.

Article rédigé par Louise Bodet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, le 29 juin 2022 à Madrid. (JAVIER SORIANO / AFP)

Comme un avertissement. Il y a d’abord cette image, inédite : celle de quatre dirigeants de la zone Asie-Pacifique - Japon, Corée du sud, Australie, Nouvelle-Zélande -, tous nouveaux venus à la table de l’alliance Atlantique. Et puis il y a ensuite le choix des mots.

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Réunie en sommet à Madrid, en Espagne, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord a jugé mercredi 29 juin 2022 que Pékin représentait un "défi" pour les "intérêts" et la "sécurité" des pays de l'Alliance, dans sa nouvelle feuille de route. "Les ambitions déclarées de la Chine et ses politiques coercitives défient nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs", écrit ainsi l'Otan dans ce document baptisé "concept stratégique" et qui n'avait pas été révisé depuis 2010. C'est la première fois que ce document évoque la Chine qui ne relevait traditionnellement pas de la mission de l'Alliance atlantique. L'Otan dénonce en particulier "le partenariat stratégique approfondi" entre Pékin et Moscou "et leurs tentatives mutuelles de miner l'ordre international basé sur les règles".

"Défis sérieux"

Lors de sa prise de parole, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan, précise : "La Chine développe substantiellement ses forces militaires, y compris des armes nucléaires. Elle veut intimider ses voisins et menace Taïwan. Elle contrôle ses propres citoyens à l’aide de technologies de pointe et relaie les mensonges russes et la désinformation. La Chine n’est pas notre adversaire, mais nous devons être lucides sur les défis sérieux qu’elle représente."

Pékin ne "menace" pas les valeurs, les intérêts et la sécurité des pays de l’Alliance atlantique, mais elle les "défie", selon l'organisation. Une façon de notifier, pour les Etats-Unis par exemple, qu'il ne faut pas perdre de vue ce pays-là, comme une grande priorité stratégique, même si la guerre en Ukraine contraint Washington à se réengager en Europe. D'ailleurs, pour Joe Biden, ces deux combats vont de pair, Pékin s’affirmant comme un partenaire de Moscou. Mais la priorité doit rester l’espace Euro-Atlantique, rappellent certains alliés, dont la France, tout en sachant que deux grandes opérations menées par l'Alliance hors d'Europe - en Afghanistan et en Libye – se sont soldées par des échecs.

"Salir la Chine"

La réponse de Pékin ne s'est d'ailleurs pas faite attendre : jeudi, la Chine a fustigé les efforts de l'Otan pour la "salir", accusant l'alliance militaire d'avoir "les mains couvertes de sang". "Ce prétendu document de 'concept stratégique' de l'Otan fait peu de cas de la réalité et présente les faits à l'envers", a réagi Zhao Lijian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. "Il s'obstine, à tort, à présenter la Chine comme un défi systémique et à salir la politique étrangère chinoise", a-t-il déclaré devant la presse, soulignant la "ferme opposition" de Pékin.

"L'Otan prétend être une organisation régionale et de nature défensive. Dans les faits, elle ne cesse de s'étendre au-delà de son champ régional et de ses compétences, de déclencher des guerres et de tuer des civils innocents", a fustigé Zhao Lijian. "Les mains de l'Otan sont couvertes du sang des peuples du monde", a-t-il affirmé, en référence notamment aux interventions de l'Alliance en Afghanistan, en Libye ou encore au bombardement de l'ambassade de Chine en Serbie en 1999. Ce dernier événement, qui avait provoqué la mort de trois journalistes chinois, a durablement entaché la réputation de l'Otan dans le pays asiatique.

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