: Témoignage Guerre en Ukraine : "Sur chaque cadavre, on vérifie qu'il n'est pas piégé", raconte Oleksandr Babich, qui aide l'armée à récupérer les corps des soldats
Recenser le nombre de combattants tués au front en Ukraine est très difficile. Oleksandr Babich, ex-policier et archéologue, travaille avec une équipe de volontaires à récupérer les corps des soldats morts au front pour les identifier et les rendre à leur famille.
"En traversant un village, une femme nous a dit 's’il vous plait, récupérez la tête qui se trouve juste à côté de l'école'. Une fois sur place, on trouve la tête, on jette un coup d'œil de l'autre côté de la route, et là, on trouve des pieds", raconte Oleksandr Babich. Cet ex-policier et archéologue aide volontairement l'armée ukrainienne à retrouver les cadavres des soldats, qui gisent encore pour beaucoup sur des terres qui s'étendent à perte de vue. Ces terres transformées ces derniers mois en champ de bataille. "On fouille la zone. On se renseigne auprès des habitants", explique-t-il.
En quelques jours seulement, Oleksandr et son groupe de volontaires ont ainsi pu retrouver 70 corps. Un travail lent, car il ne peut être effectué que quand la situation militaire le permet, et précieux, tant il est difficile d'établir un bilan précis des victimes du conflit. Même si, vendredi 2 décembre, le conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky a avancé le chiffre de 13 000 morts dans son camp, c'est invérifiable. Tout comme le bilan russe d'ailleurs.
Échange de corps avec la Russie
Oleksandr fait défiler sur son téléphone portable des dizaines d'images. Des prélèvement ADN sont réalisés sur les cadavres pour tenter de les identifier. Les corps des soldats ukrainiens seront rendus aux familles qui pourront enfin organiser des funérailles. Quant à ceux des soldats russes, "on espère pouvoir les échanger", confie-t-il.
"Si je ramasse le corps d'un Russe et que nous parvenons à l’identifier, cela augmente les chances qu'en échange, la dépouille d'un de nos soldats puisse revenir un jour à sa mère".
Olexander Babiche, archéologueà franceinfo
Dans la région de Kherson, une infime partie du territoire seulement est accessible pour l'instant, à cause des mines. "On doit tirer les corps vers nous avec un crochet, précise l'archéologue, parce que très souvent, il y a une grenade dégoupillée sous le corps. Donc dès que vous le soulevez, la bombe explose. Sur chaque cadavre, on doit vérifier s'il est ou non piégé."
"On ne peut pas s'habituer"
Oleksandr Babich raconte ces moments terribles, où des mères lui disent : "mon fils est à tel endroit", mais le corps est trop proche de la ligne de front, c'est trop dangereux de tenter de le récupérer. "Et il peut rester là pendant des mois. Parfois, vous voyez le corps, mais vous ne pouvez pas ramper jusqu'à lui pour le sortir de là."
À lui seul, Oleksandr a déjà récupéré une centaine de corps au milieu des ruines laissés par les combats. Comment le volontaire et ses compagnons gèrent-ils ces images terribles, cette odeur de cadavre qui les poursuit ? "Je dois vous avouer que moi-même, je ne suis pas sûr de ce que je ressens", confie-t-il. "Je veux dire qu’à chaque fois, c'est différent. On ne peut pas s'habituer à cela."
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