Ukraine : pourquoi le cessez-le-feu est incertain
Le calme est revenu dans la région après la signature d'une suspension des hostilités dans l'est de l'Ukraine. Mais cet accord est encore précaire.
Même l'annonce a été hésitante. Avant de confirmer le cessez-le-feu entré en vigueur en Ukraine, vendredi 5 septembre au soir, le président ukrainien et les séparatistes pro-russes ont d'abord évoqué la signature d'un "protocole préliminaire" conduisant à une suspension des hostilités à 18 heures, heure de Kiev. Finalement, le terme de cessez-le-feu a été confirmé quelques minutes plus tard, marquant un point de départ à une possible désescalade dans ce conflit périlleux pour l'équilibre mondial. Mais de sérieux doutes planent toujours sur la solidité de cet accord. Francetv info vous dit pourquoi.
Parce que la situation reste explosive sur le terrain
Les affrontements qui font rage dans l'est de l'Ukraine depuis plus de six mois sont donc censés être suspendus depuis vendredi soir. Pourtant, trois explosions ont clairement été entendues à Donetsk, où s'affrontent soldats ukrainiens et miliciens pro-russes, une fois l'heure du cessez-le-feu passé. Le calme semble bien être revenu depuis, tranchant brutalement avec l'intensité des combats qui avaient rythmé la journée.
Même retour au silence à Marioupol, port stratégique sur les bords de la mer d'Azov, qui craignait ces derniers jours un assaut des pro-russes. Mais, selon un journaliste de France 24 présent sur place, les soldats ukrainiens ne croient pas à ce cessez-le-feu : "La seule façon d'en finir, c'est de continuer à leur tirer dessus", lui expliquent-ils.
Ceasefire holding in #Mariupol. Found little support for it among Ukr troops. Tank crew: "the only way to end it is to keep hitting them"
— Robert Parsons (@RobParsonsF24) 5 Septembre 2014
Si des journalistes ont bien rapporté que les soldats ukrainiens présents aux points de contrôle à l'entrée de Marioupol n'étaient pas à l'affût, ils semblent prêts à reprendre les combats à n'importe quel moment.
Parce que les pro-russes sont les seuls gagnants
Cet accord de cessez-le-feu a été négocié entre Vladimir Poutine et Petro Porochenko, le président ukrainien. Ce dernier estime d'ailleurs que les deux hommes sont aussi "responsables" l'un que l'autre du maintien du cessez-le-feu. Mais en imposant dans les discussions son plan de sortie en sept points, le président russe sort surtout de cette affaire dans la position du grand vainqueur. Car en plus d'apparaître aujourd'hui comme un faiseur de paix, il obtient satisfaction sur le sort de l'est de l'Ukraine.
Grâce au soutien de Moscou, jamais officiellement assumé, les forces séparatistes ont en effet conquis des villes stratégiques et grignoté une large partie du territoire ukrainien. Or le cessez-le-feu, qui ne comprend qu'un retrait des troupes et un échange de prisonniers, fige les lignes de front et permet donc aux séparatistes de revendiquer les territoires qu'ils contrôlent. D'ailleurs, l'accord "ne change rien à [leur] volonté de [se] détacher de l'Ukraine", a prévenu Igor Plotnitski, dirigeant séparatiste de la "République populaire de Louhansk".
C'est donc en position de supériorité que les pro-russes et le Kremlin entament des négociations avec le pouvoir ukrainien, qui pourrait choisir de reprendre les hostilités plutôt que de céder. "Ils vont nous tromper", a d'ailleurs déclaré, dès l'annonce de l'accord, le Premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, demandant le retrait des troupes russes et le soutien des Etats-Unis et de l'Europe.
Parce que la communauté internationale n'y croit pas
Dès l'annonce officielle du cessez-le-feu, plusieurs expressions de soulagement se sont fait entendre. Le Kremlin a salué l'accord, disant espérer que celui-ci serait "respecté point par point". L'Otan, par la voix de son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, souhaite que le cessez-le-feu marque "le début d'un processus politique constructif". Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a, lui, appelé "tous ceux qui sont impliqués dans cet accord à faire preuve de bonne volonté".
Pour sa part, le président américain, Barack Obama, a souligné que le cessez-le-feu devait être suivi d'effets "sur le terrain". "Nous sommes optimistes, mais instruits par l'expérience passée, nous sommes également sceptiques" sur le fait que "les séparatistes respecteront" ce cessez-le-feu et que "les Russes arrêteront les violations de la souveraineté et de l'intégrité de l'Ukraine", a déclaré le président américain à la sortie du sommet de l'Otan à Newport (Royaume-Uni).
Alors que les Etats-Unis préparaient, en étroite coordination avec l'UE, de nouvelles sanctions économiques contre la Russie, accusée de souffler le chaud et le froid dans cette crise, Barack Obama a jugé, en chœur avec le Premier ministre britannique, David Cameron, qu'il était préférable d'"imposer des sanctions [à Moscou], quitte à les lever ensuite".
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