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Vidéo "Je n'avais jamais pensé devoir couvrir une guerre" : la difficile mission des journalistes ukrainiens

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Article rédigé par franceinfo
Radio France

Olga Rudenko, rédactrice en chef du Kyiv Independent, média ukrainien en langue anglaise devenu une référence depuis le début de l'invasion du pays par la Russie, était l'invitée du festival Médias en Seine. 

Comment continuer à informer lorsque son propre pays est en guerre ? Invitée de franceinfo mardi 22 novembre dans le cadre de Médias en Seine, organisé à la Maison de la Radio et de la Musique et au siège des Echos-Le Parisien, la rédactrice en chef du quotidien ukrainien en ligne The Kyiv Independent, Olga Rudenko, décrit les questionnements auxquels sa rédaction fait face comme journalistes, et comme citoyens ukrainiens. The Kyiv Independent a été fondé en novembre 2021 et employait une vingtaine de journalistes au début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, en février 2022.

franceinfo : Comment couvrir une guerre qui frappe son propre pays ? 

Olga Rudenko : C'est difficile, mais nous devons encore plus lutter pour le faire que nos collègues internationaux qui vont et viennent, parce que nous devons y rester. Nous sommes toujours en Ukraine. Nous n'avons jamais le luxe de nous sentir en sécurité. Nous n'avons jamais le luxe de savoir que nos familles sont en sécurité. En même temps, je pense que pour de nombreuses personnes, y compris pour moi, le fait d'être un journaliste qui couvre la guerre vous aide en quelque sorte à comprendre. Cela vous aide à y faire face parce que vous regardez ces horribles histoires de souffrance humaine, par exemple Boutcha. Et quand vous commencez à y penser en tant que journaliste, cela vous donne un cadre, cela vous donne une certaine distance, cela vous donne l'occasion de voir les choses différemment, d'avoir une certaine perspective, de voir les choses en tant que journaliste, en vous demandant : pourquoi et comment aborder cette question ? Quelles sont les histoires à raconter depuis cet endroit ? Et cela vous aide à y faire face, car cela vous donne matière à réflexion.

Comment rester indépendant du pouvoir ukrainien ?

Je crois que vous pouvez être indépendant en tant que journaliste lorsque vous couvrez la guerre dans votre pays. Ce n'est pas facile. Vous aurez des choix difficiles à faire. Vous devrez avoir des discussions dans vos salles de rédaction que vous n'avez pas l'habitude d'avoir. Vous devrez discuter avec les journalistes de vos valeurs, des raisons pour lesquelles vous le faites, des raisons pour lesquelles vous divulguez ces informations. Vous devrez discuter de la question de savoir si vous respecterez ou non telle restriction imposée par le gouvernement, car vous essayerez de déterminer s'il elle est établie pour des questions de sécurité ou s'il est dans votre intérêt de l'ignorer. Et c'est parfois une question de réflexion.

Par exemple, je sais que le gouvernement a essayé de restreindre l'accès anticipé aux personnes libérées dans Kherson, au sud de l'Ukraine, libérée récemment après huit mois d'occupation. Je ne pense pas qu'ils auraient dû. Je pense qu'ils auraient dû faire participer les journalistes de certains médias, ukrainiens et internationaux, plus tôt et apparemment, le gouvernement a essayé de révoquer l'accréditation de certains qui n'auraient pas attendu. Je ne pense pas que c'était la bonne chose à faire. C'était donc un exemple de restriction qui, à mon avis, n'était pas censée exister. 

Quelles sont les ressources du Kyiv Independant ?

Les revenus proviennent désormais principalement des lecteurs. Au tout début, juste avant l'invasion, nous avons sécurisé nos ressources en obtenant des subventions. Mais ensuite, nous avons commencé à recevoir plus d'argent de la part de nos lecteurs. Et c'est très significatif parce qu'en ce qui concerne les sources de revenus, nous essayons de tout faire, de faire de la publicité, tout. Mais je pense qu'être financé directement par vos lecteurs, c'est la meilleure façon d'exister pour un média. Nous avons mené une campagne de financement participatif. En plus de cela, tout le contenu est disponible gratuitement. Nous n'avons pas de paywall. Nous distribuons tout le contenu gratuitement. Plus de 8 000 personnes ont choisi de nous soutenir, de nous faire un don, pour nous permettre de continuer. C'est très important pour nous de les avoir à bord. Nous les considérons comme notre communauté, comme la famille du Kyiv Independant élargie. Et si nous atteignons notre objectif de 10 000 soutiens d'ici la fin de l'année, cela signifierait vraiment beaucoup pour nous, pour l'équipe.

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