: Vidéo Quand le mercenaire français Bob Denard menait des coups d'Etat à répétition aux Comores
"La différence entre un mercenaire et un soldat d'une armée, c'est que nous, nous travaillons dans des conditions beaucoup plus artisanales." Telle est la définition que Bob Denard, le plus célèbre des mercenaires français, impliqué dans de multiples opérations militaires et conflits post-coloniaux en Afrique, donnait de son métier. L'artisanat du mercenariat : une représentation qui contraste avec les moyens désormais déployés par les hommes du groupe paramilitaire russe Wagner qui combattent en Ukraine.
Diffusé dimanche 11 juin sur France 5, le documentaire Bob Denard, le mercenaire de la République, décrit avec précision le parcours et le rôle de cet homme de l'ombre, impliqué dans des activités illégales. Composé d'archives personnelles, d'enregistrements sonores et d'images d'époque, le film réalisé par Gaël Mocaër relate le destin de cet homme mort en 2007.
Robert alias "Bob" Denard – un pseudonyme qui évoque les romans et films d'aventures – se fait connaître lors de la période de la décolonisation et de la Françafrique, alors que la France cherche à préserver son influence dans ses anciennes colonies. Le mercenaire ne chôme pas. Dans son autobiographie, il se surnommera "le Corsaire de la République".
Deux coups d'Etat en trois ans
Le documentaire revient notamment sur son activité aux Comores. En 1975, l'ingénieur agronome Ali Soilih, ex-député et ex-ministre comorien, renverse Ahmed Abdallah Abdéremane, le premier chef d'Etat des Comores indépendantes. Un an plus tôt, trois des îles ont arraché leur indépendance à la France de Valéry Giscard d'Estaing. A son arrivée sur l'archipel, Bob Denard œuvre activement pour consolider le pouvoir d'Ali Soilih. Avec cinq compagnons et un budget de 100 000 dollars, il forme quelques centaines de combattants qui prennent le contrôle des îles. "La France laisse non seulement faire, mais permet que le mercenaire Bob Denard soit mis à disposition d'Ali Soilih", raconte l'historien Walter Bruyère-Ostells.
"L'histoire des Comores est venue comme un cheveu dans la soupe, comme on dit. (...) On m'a expliqué que pour réunifier les îles, il fallait créer une petite organisation avec formation d'une armée."
Bob Denard, mercenairecité dans le documentaire
Bob Denard est un "taiseux", qui garde secrètes ses actions, y compris pour ses proches, confie dans le documentaire son fils, Philippe. "Je n'étais pas au courant", confirme dans le film Marie-Elise Denard, veuve du mercenaire. A l'époque, son mari lui avait seulement dit : "Si tu regardes les infos, ne t'inquiète pas, tout va bien", relate-t-elle.
Il réinstalle au pouvoir celui qu'il avait fait tomber
Trois ans à peine après avoir participé à l'installation au pouvoir d'Ali Soilih, Bob Denard revient aux Comores, après avoir participé à un coup de force manqué au Bénin. Cette fois, le mercenaire français œuvre au renversement de celui qui avait ses faveurs. "Quand on arrive près des Comores, Denard nous dit : 'Les gars, voilà, on va aux Comores. Il faut qu'on prenne l'île, que l'on dégage Ali Soilih et que l'on remette de l'ordre dans ce merdier !'", livre dans le documentaire Hugues de Tressac, ancien opérateur radio du mercenaire.
"Sa vie a été, pour moi, une succession d'échecs, de choses mal abouties.(...) Quand il arrive aux Comores en 1978, c'est, pour le coup, l'homme qui voulut être roi. Là pour le coup, c'est réussi."
Philippe Denard, fils de Bob Denarddans le documentaire "Bob Denard, le mercenaire de la République"
Grâce à l'action de celui qui l'a chassé du pouvoir trois ans plus tôt, Ahmed Abdallah Abdéremane reprend les rênes de l'Etat sous les vivats. Bob Denard met en place la garde présidentielle et joue en coulisses un rôle politique capital, au point d'hériter du surnom de "vice-roi des Comores". Son état de grâce dure jusqu'à l'assassinat du président comorien en 1989. Soupçonné d'être lié au meurtre, Bob Denard doit alors fuir pour l'Afrique du Sud.
Le mercenaire revient aux Comores en 1995... pour un nouveau coup d'Etat. Avec une trentaine d'hommes, il débarque en bateau et tente de renverser le nouveau président comorien, Saïd Mohamed Djohar, élu cinq ans plus tôt. Le gouvernement français de Jacques Chirac déclenche alors l'opération Azalée pour déjouer les plans du mercenaire. Les commandos de marine, les parachutistes et les gendarmes du GIGN interviennent, forçant Bob Denard et ses hommes à la reddition.
Bob Denard meurt en 2007 en banlieue parisienne. Dans une interview au Monde trois ans plus tôt, il assurait ne garder aucune amertume de ses actions passées. "Il n'y a que les cons qui en ont", lâchait-il. Il affirmait avoir travaillé avec "le feu orange" de la France. "On ne donne jamais le feu vert dans ces cas-là", glissait-il.
Le documentaire Bob Denard, le mercenaire de la République, réalisé par Gaël Mocaër, est diffusé dimanche 11 juin à 22h35 sur France 5 et sur france.tv.
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